25/04/2018

Philippe Bordieu : « Il n’existe pas de résistance aux huiles essentielles »

L'auteur de « L'aromathérapie dans la pratique soignante » revient sur les bénéfices des huiles essentielles, actuellement très à la mode, ainsi que sur la nécessaire formation des soignants à leurs spécificités, emplois ou toxicité.

Espace-infirmier.fr : Comment est né le projet de ce livre et quelle a été la spécificité de votre approche pour traiter ce vaste sujet ?

Lorsque les éditions Lamarre m’ont proposé de rédiger un ouvrage sur l’aromathérapie à l’usage des infirmières, il m’est apparu comme une évidence que c’était l’opportunité de partager des outils pédagogiques déjà utilisés lors de mes formations, afin de vulgariser et de sécuriser l’usage des huiles essentielles par mes collègues. C’est un fait : l’aromathérapie est à la mode, et la publicité nous vante les propriétés des huiles essentielles dans des produits parfois tout à fait inattendus. Pour autant, une huile essentielle est un produit concentré, actif, potentiellement toxique. Cet ouvrage est à la fois l’occasion de comprendre les dimensions thérapeutiques des huiles essentielles, mais également de préciser les liens entre l’aromathérapie et la réglementation, en particulier celle applicable aux infirmières.

Quelle place occupent aujourd’hui l’aromathérapie et les huiles essentielles dans la pratique soignante paramédicale ?

Elle va croissant ! Suivant un mouvement initié par les patients eux-mêmes, les infirmières se tournent de plus en plus vers des pratiques soignantes dites “alternatives”. J’insiste sur la dimension complémentaire et non alternative de l’aromathérapie. En dehors de quelques cas qui relèvent naturellement de la “bobologie”, toute approche aromathérapeutique devrait être proposée en parallèle et non en remplacement d’un traitement médical classique. Pour autant, les infirmières disposent de par la loi de certaines prérogatives regroupées sous le terme de rôle propre. À travers ces compétences autonomes, certaines situations peuvent justifier avantageusement l’usage des huiles essentielles au profit des patients qui en bénéficient. Mais cet usage ne s’improvise pas et réclame des connaissances de base incontournables. C’est la responsabilité des professionnels que de parfaire leurs connaissances sur ce thème avant toute utilisation chez des patients.

Quelles sont les précautions à suivre lors d’un soin thérapeutique, et comment les soignants peuvent-ils s’en servir pour leur propre usage ?

À chaque huile essentielle correspond une formule, une composition en certaines molécules, qui amènent certaines précautions car leur concentration dans les huiles essentielles peut faire courir différents risques en termes de toxicité. L’usage des huiles essentielles intéresse indifféremment les patients comme les soignants : ces derniers sont également douloureux, stressés, ou en situation d’infection, de cicatrisation... Il s’ensuit qu’une bonne connaissance des familles aromatiques, de leurs propriétés, indications, toxicités et précautions d’usage, est un préalable à toute utilisation des huiles essentielles, pour soi comme pour les patients. L’autre précaution concerne la voie d’administration : per os, par diffusion, par massage, en inhalation... Chaque stratégie doit être choisie en fonction d’une évaluation sans faille de la situation clinique, de manière à adapter l’usage des huiles essentielles au problème de santé ciblé ainsi qu’aux caractéristiques du patient concerné.

Quelles seront les évolutions à venir des huiles essentielles “thérapeutiques” en tant que complément des traitements dits “classiques” ?

Tous les jours dans le monde sont publiés des articles scientifiques validant les propriétés et indications des huiles essentielles, en médecine, et désormais dans l’industrie agro-alimentaire afin, par exemple, de mobiliser les propriétés anti-infectieuses des huiles essentielles. Ces mêmes propriétés anti-infectieuses sont sous-estimées en médecine : il n’existe pas de résistance aux huiles essentielles contrairement aux antibiotiques. L’aromathérapie pourrait dès lors devenir une stratégie de choix face aux antibio-résistances croissantes. Dans un autre ordre d’idée, les propriétés apaisantes voire sédatives de certaines huiles essentielles pourraient faciliter la décroissance de l’usage des benzodiazépines. Les opportunités sont nombreuses pour peu que l’on intègre de manière plus systématique les résultats des productions scientifiques aux stratégies thérapeutiques médicales. En somme, appliquer les principes de l’Evidence-Based Medecine à l’aromathérapie, ce qui suppose non seulement d’utiliser les connaissances existantes, mais également d’en générer de nouvelles à travers des travaux de recherche.

Propos recueillis par Jérémie Salinger.

L'aromathérapie dans la pratique soignante, Philippe Bordieu, Éditions Lamarre, avril 2018.

Les dernières réactions

  • 27/12/2018 à 23:46
    cleo
    alerter
    Je suis conseillère en aromathérapie scientifique et infirmière retraitée. J'aimerais savoir où se procurer la revue: L'aromathérapie dans la pratique soignante par Phillipe Bordieu au Québecé

    Merci
  • 15/05/2019 à 20:04
    chesnel
    alerter
    Un petit coup de gueule !!!! plus intérêt pour le débat
    un bel exemple de contradiction dans un message d'une page.
    Il est dit " toute approche aromathérapeutique devrait être proposée en parallèle et non en remplacement d’un traitement médical classique . Puis dans le dernier paragraphe "L’aromathérapie pourrait dès lors devenir une stratégie de choix face aux antibio-résistances croissantes. Dans un autre ordre d’idée, les propriétés apaisantes voire sédatives de certaines huiles essentielles pourraient faciliter la décroissance de l’usage des benzodiazépines.
    Donc l'aromathérapie ne serait pas complémentaire mais remplacerait dans certains cas les antibio et les anxiolytiques.
    Une infirmiére ne doit utiliser ques des technique insuffisamment éprouves scientifiquement.
    A mon avis avec l'aromathérapie on est dans le mieux être et non dans la thérapeutique .Il faut s'occuper du mieux être ,mais encore une fois on fait appel a des produits . Donc du fric pour les fabricants et les formateurs . Je n'en dirai pas plus car je ne suis pas un spécialiste de cette approche . Mais je souhaite mettre en garde les infirmiéres sur cette technique .Est elle validée par l'académie de médecine ?

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