Si beaucoup d’ouvrages préparent aux épreuves de sélection, De la formation cadre de santé à la prise de fonction étudie, lui, le passage de la formation à la prise de poste. Retour sur cette problématique avec Dominique Bourgeon, directeur des soins et docteur en sociologie, qui a dirigé l’ouvrage.
Espaceinfirmier.fr : Comment est né le projet de ce livre et quelle a été la spécificité de votre approche ?
Dominique Bourgeon : De nombreux ouvrages traitent de la préparation au concours IFCS, mais le cursus est très peu abordé. Or, la formation de cadre de santé renvoie à une réelle complexité, à un subtil mélange de continuité au regard de l’identité soignante et de rupture par rapport à la proximité du soin et des relations professionnelles. Par ailleurs, à peine le mémoire déposé en fin du cursus, les étudiant(e)s sont immédiatement préoccupé(e)s par leur future prise de fonction. Cet enjeu majeur, conditionnant l’avenir, relève donc à part entière de la formation ; il doit être anticipé. Quant à la spécificité de l’approche, ce livre ne constitue pas une étude précise des études, car le contenu du programme évoluera rapidement au cours des années à venir (voire des mois). Nous avons choisi de donner des grilles de lecture, d’offrir du sens à ces dix mois de formation en nous appuyant sur les sciences humaines et des enquêtes.
Quels sont les enjeux et les problématiques depuis la formation jusqu’à la prise de fonction du nouveau cadre de santé ?
D.B. : En tant que soignants, nous sommes dans l’agir et notre réflexe consiste à rechercher des solutions aux problèmes pratiques qui s’offrent à nous. A contrario, un cadre doit, avant d’entreprendre, analyser des situations complexes nourries de stratégies individuelles et d’injonctions institutionnelles. Une phase compréhensive doit précéder l’action. L’enjeu majeur du cursus de formation consiste donc à « donner » aux étudiant(e)s une méthodologie de l’action et des concepts issus des sciences humaines. Le management nécessite un « répit » entre l’analyse et l’agir. Répit : nous avons choisi ce terme car il véhicule, dans ses origines latines, la notion de « respect ». Enfin, compte tenu des nombreux « faisant fonction » présents au sein de la promotion, la première partie du cursus consiste souvent en une déconstruction d’expériences issues de cette phase préalable au concours d’entrée. Nous pourrions évoquer, à ce sujet, la nécessaire rupture épistémologique chère à Gaston Bachelard… En termes plus simples, il s’agit de chasser les évidences acquises lors d’un apprentissage pré-IFCS à la fois limité dans le temps et singulier.
Comment s’acquiert la nouvelle posture managériale du cadre de santé ?
D.B. : Compte tenu des nombreuses réformes hospitalières et de la complexité du quotidien, la posture managériale ne peut reposer que sur un management par le sens. Par ailleurs, l’hôpital ou, plus généralement, les organisations sanitaires, se caractérisent par une importante division du travail. Nombre d’acteurs agissent autour du patient. Le cadre sera inévitablement confronté à un travail d’articulation offrant une cohésion à l’action collective. Coordonner et signifier constituent les bases du management actuel.
Comment s’articule le lien si spécifique entre soin et management ?
D.B. : Pour comprendre ce lien, il faut étudier les connaissances mobilisées par le cadre dans son travail d’articulation, de coordination, que nous évoquions précédemment. Quel discours tient-il au médecin ? Sur quels savoirs repose sa relation quotidienne avec les équipes ? Comment intègre-t-il les mutations sanitaires dans la réalité de l’unité ? Le cadre reste un soignant, même si la relation soignant-soigné s’est distendue dans un périmètre plus vaste et indubitablement contraint.
Propos recueillis par Jérémie Salinger
De la formation cadre de santé à la prise de fonction, Éditions Lamarre, mars 2017