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Personnes âgées et dépendantes
Cadre de santé, infirmière spécialiste clinique et titulaire d'un DU maladie d’Alzheimer et d’un DU soins palliatifs, Marie-Fleur Bernard a mené une enquête qualitative sur la réalisation des soins d'hygiène bucco-dentaire en gériatrie. Elle publie aujourd'hui un ouvrage, fruit de ses recherches.
Espaceinfirmier.fr : Vous venez de publier un ouvrage sur les soins d’hygiène bucco-dentaire aux personnes âgées et dépendantes, fruit d’un travail de recherche et de recommandations. Pouvez-vous revenir sur l’historique du livre ?
Marie-Fleur Bernard : Cet ouvrage fait suite à un constat : la difficulté des soignants dans la réalisation des soins de bouche et l’émergence d’une réflexion qui s’est affinée tout au long de mon exercice infirmier. Cette réflexion est partagée depuis une décennie par nombre de professionnels qui œuvrent pour améliorer la qualité de vie des personnes âgées et qui prennent soin des personnes en fin de vie. Ce livre vient aussi combler un manque, car il n’existe aucun ouvrage sur le sujet à destination des professionnels paramédicaux.
La rédaction de celui-ci a été précédé par une enquête qualitative que j’ai réalisée auprès d’infirmiers en gériatrie en 2000, afin d’identifier les raisons des difficultés fréquentes d’exécution de ce soin. Un projet clinique en soin infirmier intitulé « Réhabilitation des soins de bouche aux personnes âgées » y a fait suite pour sensibiliser les soignants et améliorer les pratiques.
Votre livre n’est pas un simple guide technique, vous introduisez de nombreuses questions d’ordre éthique : en quoi est-ce si important ?
L’absence d’hygiène bucco-dentaire a des conséquences majeures sur le plan physique (douleur, infections, dénutrition, déshydratation, difficulté de communication…) et psychologique (altération de l’image corporelle et perte d’estime de soi….), sans oublier la souffrance de l’entourage. Alors, oui, l’insuffisance de réalisation des soins d’hygiène bucco-dentaire représente une négligence pour les personnes dépendantes et vulnérables. L’absence de soin peut être considérée comme une forme de maltraitance. C’est bien une question d’ordre éthique pour le soignant, car la régularité et la qualité des soins qu’il dispense participent au confort et au fait de vivre et de mourir le plus dignement possible.
Pourriez-vous synthétiser les recommandations essentielles pour les soins de bouche en service de gériatrie ?
-Chaque soignant doit se rappeler que la toilette n’est terminée que lorsque la toilette buccale est réalisée.
-Une évaluation méthodique de l’état buccal doit être systématique au moment de l’hospitalisation et chaque fois qu’une personne a des difficultés à s’alimenter.
-L’art de présenter et de réaliser le soin de bouche détermine son acceptation par le patient (notamment en cas de handicap ou de démence).
-Le brossage des dents régulier avec une brosse à dents à poils souples et du dentifrice durant 3 minutes est le premier geste, il permet d’éliminer la plaque dentaire.
-Ne jamais appliquer de médicaments prescrits en bouche avant une toilette buccale préalable.
-Une attention particulière mérite d’être portée aux prothèses dentaires.
-L’interdisciplinarité est essentielle pour une bonne prise charge bucco-dentaire (AS, IDE, médecins…) et la collaboration avec des spécialistes (stomatologues, chirurgiens-dentistes…) est incontournable.
-Le cadre de santé a un rôle déterminant dans l’amélioration de la qualité des soins de bouche dispensés aux patients : cela passe par l’évaluation des pratiques professionnelles, le développement de compétences, la formation, l’élaboration de procédures et la mise en place de groupes de travail…
À qui destinez-vous ce livre et avec quel message ?
Cet ouvrage, sur un soin de base essentiel à tout être humain est destiné à tous les professionnels de santé et aux étudiants qui ont à réaliser la toilette buccale et les soins de bouche médicamenteux aux personnes malades, âgées, vulnérables et/ou en fin de vie. Il concerne singulièrement le rôle propre des aides-soignants(es) et des infirmiers(ères), qu’ils exercent à domicile, dans les structures médico-sociales et particulièrement à l’hôpital (en gériatrie, en cancérologie, en neurologie, en cardiologie, en psychiatrie…).
Propos recueillis par Emmanuelle Lionnet
Soins d’hygiène bucco-dentaire aux personnes âgées et dépendantes, Marie-Fleur Bernard, Éd. Lamarre, juillet 2016.