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Il n’avait pas encore autant détaillé le sujet jusqu’ici. Lors de la Paris HealthCare week, le ministère a dévoilé ses intentions sur la pratique avancée infirmière, la qualifiant de « révolution ». Nous avons posé vos questions, voici ses réponses.
Cette future pratique peut-elle encore être dite avancée, vu la tutelle laissée aux médecins ?
Les syndicats et organisations d’infirmiers s’en sont plaints : les derniers textes concernant la pratique avancée infirmière, actuellement au Conseil d’État, et attendus d’ici fin juin sous forme de décret, donnent plus de pouvoir au corps médical que les précédentes versions. « Cela ne me scandalise pas que la conduite diagnostique et les choix thérapeutiques soient confiés au médecin, rétorque Michel Varroud-Vial, conseiller médical à la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) pour les professionnels de santé de ville. Le médecin est la première ligne d’entrée dans le système de santé. Mais une fois la pathologie stabilisée, il pourra confier la totalité de la prise en charge à l’infirmière de pratique avancée. » L’IPA pourra ainsi réajuster ou renouveler des traitements et commander des examens complémentaires des patients chroniques. Elle en sera pleinement responsable. Comme elle sera responsable, si la situation du malade se complique, d’en référer au médecin. Cécile Courrèges, à la tête de la DGOS, ose le mot : la pratique avancée est « une révolution ». Même si « nous n’en sommes qu’au début de l’histoire… »
La pratique avancée, ce sera payé, au moins ?
La DGOS indique clairement qu’elle travaille sur cet aspect. En libéral, des négociations conventionnelles devraient s’ouvrir spécifiquement sur ce sujet avec l’Assurance maladie, pour une rémunération probablement au forfait (par patient) et non par acte, et avec une deadline : l’arrivée des premières IPA diplômées en 2019. Pour celles exerçant à l’hôpital, la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) devrait se saisir du dossier en vue d’une « juste revalorisation de l’exercice », indique Cécile Courrèges. En revanche, aucun montant n’est précisé.
Toutes les infirmières pourront-elles vraiment devenir IPA ?*
Oui, à condition d’avoir exercé pendant trois ans au moins et d’avoir mené à bien les quatre semestres d’un master en pratique avancée. Dès septembre prochain, une dizaine d’universités mettront en place trois formations dédiées, dont nécessairement un cursus sur la prévention et les polypathologies courantes en soins primaires. Quant aux infirmières déjà titulaires d’un master, des passerelles leur sont proposées pour une validation « partielle » de leur diplôme afin d’exercer en pratique avancée. Enfin, les infirmières diplômées avant la réforme LMD pourront aussi accéder à la pratique avancée. En ville, le dispositif sera ouvert à toute infirmière libérale exerçant en équipe de soins primaires, que ce soit dans une structure ou non. La DGOS se dit « attentive » au fait que les Idel puissent être formées et indemnisées le temps de cette formation. À l’avenir, au-delà des IDE, la DGOS envisage d’étendre la pratique avancée à d’autres professions – sans dire encore lesquelles.
Peut-on exercer seul ?
Clairement non : « pratique avancée ne veut pas dire pratique isolée », indique Michel Varroud-Vial. Pour la DGOS, la pratique avancée de l’infirmière se fait en équipe, coordonnée par le médecin, et par parcours de soins, plutôt que par actes. La pratique avancée se basera sur un protocole « qui définit la manière de travailler en commun, au niveau de l’équipe », complète Cécile Courrèges. Cette dimension pluriprofessionnelle, mise en avant par la DGOS, explique aussi le numéro d’équilibriste du ministère pour prendre en compte, ces derniers mois, la sensibilité de chaque profession. Pendant l’élaboration du texte, « toutes les peurs et tous les fantasmes se sont exprimés, commente même la responsable de la DGOS. Parce qu’on touche aux exercices des uns et des autres. »
Pourquoi la psychiatrie ne fait-elle plus partie des domaines annoncés de l’IPA ?
« Par défaut de consensus entre les acteurs à ce stade de la discussion », admet Cécile Courrèges. La DGOS a voulu jouer la montre, afin de mettre en place les premières formations d’IPA en septembre, quitte à renoncer – du moins pour cette année – à un exercice infirmier en santé mentale. Cette spécificité apparaissait pourtant dans les précédentes versions du décret.
Mathieu Hautemulle & Karen Ramsay