© Fotolia
Envolée des dépenses de soins infirmiers à domicile, inégale répartition sur le territoire des quelque 100 000 Idel, insuffisance des contrôles… le rapport annuel des Sages, dévoilé mardi, a provoqué l’ire de la profession.
C’est le rituel de la rentrée. Dans son rapport annuel sur la Sécurité sociale, présenté mardi, la Cour des comptes analyse les comptes de l’exercice précédent et fait des recommandations aux pouvoirs publics. Cette année, les masseurs-kinésithérapeutes et les Idel ont été à l’honneur… mais les préconisations des « sages » les concernant sont pour le moins explosives.
La Cour souligne que les remboursements de soins infirmiers ont explosé depuis le début des années 2000, passant de 2,4 à 6,3 milliards d’euros en 2014 (+7,3% par an, en moyenne) ; les effectifs ont crû sur la même période de 75,4%. « Les infirmiers et masseurs-kinésithérapeutes libéraux apportent une contribution majeure et appréciée au maintien à domicile des personnes dépendantes, a souligné Didier Migaud, le président de la Cour des Comptes. Mais l’augmentation d’environ 500 millions d’euros par an de la dépense qui en résulte n’est pas uniquement corrélée au vieillissement de la population et au développement des maladies chroniques. »
Pour contenir ces dépenses, la Cour appelle à réguler fortement l’offre, en commençant par adapter les quotas d'entrée en Ifsi aux besoins locaux de soins. Puis au moment de l’installation, elle souhaite que le dispositif de conventionnement conditionné à l’offre locale soit musclé et par ailleurs étendu aux autres professions, notamment les médecins.
En effet, les Sages estiment que la mauvaise répartition des Idel sur le territoire a « pour corollaire une modification des pratiques professionnelles, qui soulève la pertinence des actes ». Et c’est l’exercice quotidien que la Cour voudrait voir mettre sous surveillance, en renforçant les contrôles et les sanctions à l’encontre des fraudeurs. Le contenu des AIS est « mal connu » et n’est « encadré par aucun référentiel », regrette la Cour, qui déplore également l'échec de la démarche de soins infirmiers. Comme pour les médecins, le tout paiement à l’acte n’est plus adapté, selon les Sages, qui appellent à la mise en place de forfaits pour le suivi de certaines maladies chroniques.
Mais la proposition la plus controversée est celle qui consisterait à limiter les soins dans une enveloppe fermée. Cela pourrait se faire au niveau national : si les Idel dépassaient un objectif collectif prédéfini, les tarifs seraient revus à la baisse. Une proposition qui ressemble à s’y méprendre aux « lettres clés flottantes » pour les médecins dans le Plan Juppé de 1996, que le Gouvernement avaient dû abandonner face à la fronde médicale.
L’autre suggestion de la Cour, déclinaison de la première, serait de définir des enveloppes de soins infirmiers par médecin traitant en fonction des caractéristiques de sa patientèle…
Les réactions syndicales ne se sont pas faites attendre. L’Organisation nationale des syndicats d'Infirmiers libéraux (Onsil) s’est immédiatement étonnée qu’on « demande aux hôpitaux de générer des économies en gardant les gens hospitalisés de moins en moins et [que l'on tape] sur ceux qui vont prendre le relais des soins à domicile ». Le Syndicat national des infirmiers et infirmières libérales (Sniil) s’étonne des « conclusions hâtives » de la Cour, alors que celle-ci « a reconnu dans un rapport de 2014 la méconnaissance totale de la réalité du métier d’infirmière libérale ».
Pour autant, ce syndicat ne « rejette pas en bloc ce rapport puisqu’il ouvre la voie à des travaux attendus depuis longtemps », notamment la refonte de la NGAP, la révision des critères de zonages démographiques et l’adjonction de nouvelles missions pour le suivi des patients aux compétences infirmières.
Véronique Hunsinger
Décryptage dans L’Infirmière libérale magazine du mois d’octobre