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Grosse déception dans les rangs infirmiers après que le ministère des Solidarités et de la Santé ait présenté, ce 8 mars, son projet de décret sur les pratiques avancées aux organisations ordinales et syndicales. Une rencontre en deux temps : d'abord les hospitalières le matin, puis les libérales.
La réunion de cette après-midi (8 mars, NDLR) aurait été assez houleuse selon les participants. En cause : d’abord la méthode. « Ce décret de la loi Touraine de janvier 2016 a été préparé pendant plus d’un an par les services du ministère en concertation avec les conseils de l’Ordre des médecins et de l’Ordre des infirmiers mais pas les syndicats », déplore Philippe Tisserand président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI). Sur le fond, ajoute-t-il, « les infirmières de pratiques avancées (IPA) sont, dans ce décret, complètement encadrées par la décision diagnostique et thérapeutique du médecin. Cela montre même une méconnaissance totale de la pratique quotidienne des infirmières aujourd’hui ». De la même façon, pour le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil), le texte proposé annonce un « énorme marché de dupes ». Il regrette, en particulier, le fait que les IPA pourront uniquement exercer au sein ou d’une « équipe de soins primaires », c’est-à-dire aujourd’hui de fait, essentiellement dans une maison de santé pluridisciplinaire, ou dans une équipe d’un établissement de santé. Il dénonce également la « limitation de l’intervention du futur IPA à des listes prédéfinies de prescriptions, examens biologiques et même d’actes qu’il sera autorisé à renouveler, adapter, prescrire ou interpréter ».
Du côté des hospitaliers, le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI), non convié à la concertation au ministère, se dit particulièrement « en colère ». « Ce projet de décret signe un grand recul, tempête Thierry Amouroux, son porte-parole. On sent qu’il a été écrit sous la pression du lobby médical. Ce n’est pas du tout ce qu’on attendait car les pratiques avancées, c’est vraiment autre chose que de donner aux infirmières juste un petit rôle d’assistance médicale coordonnée par un grand médecin. » Même chez les médecins d’ailleurs, la déception est palpable, pour des raisons un peu différentes. « Le contenu du décret fait des IPA des assistants de médecins spécialistes, sur le modèle hospitalier, dotés d’une certaine autonomie sur des actes techniques, sans préciser l’indispensable coopération avec le médecin traitant », a fait savoir le syndicat de généralistes, MG France, dans un communiqué.
Seul le conseil de l’Ordre national des infirmiers (ONI), finalement, est plus mesuré. « C’est un texte qui ouvre de nouveaux champs pour les infirmiers. C’est nouveau pour la France et c’est très important, a fait valoir son président, Patrick Chamboredon. Bien sûr, nous aurions aimé pouvoir aller plus loin pour permettre plus d’autonomie pour les IDE ». L’Ordre regrette notamment l’absence de mention, dans le texte, des termes de « consultations » ou encore « sciences infirmières ».
Prochaine étape : les organisations syndicales devront envoyer leurs commentaires au projet de décret d’ici mercredi prochain. Un tempo qui s’accélère subitement car le ministère espère que les premières formations universitaires sur les pratiques avancées pourront être mises en place dès la rentrée prochaine… « On commence déjà à être proactifs pour la formation en master, explique Ludivine Gauthier, présidente de la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi). Nous aurions évidemment souhaité que le texte aille plus loin mais nous sommes réalistes et nous pensons que c’est une étape dans un processus qui est en train de se mettre en place. »
Véronique Hunsinger