Le manque de temps médical a conduit le centre Léon-Bérard (Lyon) à initier un protocole de coopération déléguant cet acte médical aux soignantes volontaires.
Au centre Léon-Bérard, à Lyon, les infirmières ont ajouté une corde à leur arc. Depuis fin octobre, elles sont officiellement autorisées à poser des voies veineuses centrales (VVC). Cet acte médical leur a été transféré dans le cadre d’un protocole de coopération, que vient de valider l’ARS.
Confronté à une augmentation des besoins de prise en charge d’une « population au capital veineux de plus en plus fragile car vieillissante et polypathologique », ainsi qu’à un manque de temps médical, le centre de lutte contre le cancer était contraint d’externaliser un grand nombre de poses de VVC vers des cliniques voisines. « Certains patients voient leur mise en route de traitement décalée, avec, éventuellement, un impact sur le pronostic », argumente l’établissement dans le protocole.
"Nous nous sommes entraînées sur des cuisses de dinde"
Suivant l’exemple du Royaume-Uni, des États-Unis ou encore de l’Espagne, le centre Léon-Bérard a lancé une expérimentation en 2010 visant à permettre aux IDE, chargées de la surveillance des cathéters, de grossir les rangs des poseurs. Trois soignantes – deux Iade et une IDE – de l’unité d’accès vasculaire, désireuses de voir évoluer leurs compétences (1), ont suivi une formation en compagnonnage avec les médecins anesthésistes réanimateurs (MAR). Au programme, de la théorie – anatomie vasculaire et échographie, notamment – et des mois de pratique.
« Nous nous sommes entraînées sur des cuisses de dinde, sur nos bras ou sur ceux des collègues quand elles voulaient bien nous les prêter », raconte Camille Thoumazet, l’une des trois infirmières « déléguées ». « Nous avons observé une bonne trentaine de poses, avant de les réaliser en partie puis en totalité, sous la surveillance du médecin. » Depuis 2011, les trois IDE assurent des vacations, permettant aux médecins de se décharger en partie de la pose des VVC (2). L’année dernière, sur 2 324 voies veineuses centrales posées dans l’établissement, 1588 actes ont été réalisés sous échographie par des infirmières. Les externalisations ont pu être réduites de moitié.
"Une relation de confiance"
Bien que les patients aient la possibilité de refuser d’être pris en charge par une infirmière, ce n’est jamais arrivé, selon Camille Thoumazet. « Ils sont plutôt contents, notamment pour ce qui concerne la prise en charge de la douleur. Les infirmières laissent à l’anesthésiant le temps d’agir », sourit l’IDE. Outre la pose, les soignantes sont chargées d’expliquer au patient comment gérer cet accès veineux : prévention des infections et des retraits, pansements…
En cas de doute sur le dispositif prescrit ou de problème lors de la pose de la voie, elles peuvent – et doivent – faire appel au médecin. « Il y a une relation de confiance qui s’est instaurée. Ils savent qu’on ne fait pas n’importe quoi et que si on les appelle, c’est qu’il faut venir », apprécie Camille Thoumazet, devenue « infirmière experte » et désormais rémunérée comme une Ibode (3).
Un premier bilan indique que ce transfert d’actes n’a pas entraîné une augmentation des événements indésirables ou des complications. Attendues « au tournant » par des médecins comme par des infirmières, ces trois soignantes ont ouvert la voie avec succès. D’autres établissements de la région empruntent désormais le même chemin.
Aveline Marques
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1- L’infirmière doit avoir au moins 5 ans d’ancienneté dans un établissement réalisant au moins 1 000 poses de VVC par an.
2- Les médecins « délégants » réalisent au moins 20 % des poses, notamment sur les enfants.
3- Les trois soignantes bénéficient d’une prime mensuelle.
Article paru dans L'Infirmière magazine n°334, daté du 1er décembre.