La réforme des retraites dévoilée mardi par le Premier ministre prévoit la création d'un compte pénibilité permettant au salarié exposé à des facteurs définis de bénéficier d'un départ anticipé à la retraite. Mais, seul le secteur privé serait concerné.
L'espoir aura été de courte durée pour les infirmières de la fonction publique. Ces dernières seraient, en effet, exclues du dispositif du compte pénibilité dévoilé mardi 27 août par le Premier ministre, dans le cadre de la réforme des retraites (1).
Cette mesure, évoquée dans le rapport de la commission Moreau sur l'avenir des retraites, doit permettre au salarié exposé à un ou plusieurs facteurs de pénibilité de cumuler des points - jusqu'à 100 - qu'il pourra utiliser pour se former, financer un maintien de rémunération lors d'un passage à temps partiel en fin de carrière ou accumuler des trimestres de retraite. A partir de 2015, chaque trimestre d'exposition donnera droit à un point ; dix points sur le compte seront équivalents à un trimestre. Les 20 premiers points seront obligatoirement convertis en formation.
Cumul des facteurs de pénibilité
Les facteurs de pénibilité retenus sont ceux qui ont été définis par les partenaires sociaux en 2008 : manutention de charges lourdes, postures pénibles (positions forcées des articulations), exposition à des agents chimiques dangereux, travail de nuit, travail en équipe successives alternantes, travail répétitif, exposition au bruit et activités exercées en milieu hyperbare (2).
Mais, alors que la grande majorité des infirmières cumulent jusqu'à cinq facteurs de pénibilité, seules les salariées du secteur privé devraient avoir accès au compte pénibilité. La réforme présentée par le gouvernement fait l'impasse sur le secteur public, où le classement en catégorie active ou sédentaire décide de l'âge du départ en retraite. Il est actuellement de 57 ans pour les infirmières qui ont fait le choix de rester en catégorie B (catégorie active) et de 60 ans pour celles qui sont passées en catégorie A (catégorie sédentaire), contre 62 ans dans le secteur privé.
En juin dernier, le rapport Moreau appelait, pourtant, à « une nouvelle prise en compte de la pénibilité dans la fonction publique », qui s'éloignerait de « la logique statutaire », « pas nécessairement en lien réel avec l'emploi détenu et donc sa pénibilité ».
« Une aberration »
Pour Nathalie Depoire, présidente de la Coordination nationale infirmière (CNI), l'exclusion des infirmières du secteur public du dispositif du compte pénibilité est une « aberration ». « Le gouvernement invoque le système compensatoire de pénibilité qui existe déjà pour les catégories actives. Mais c'est un corps en voie d'extinction ! », lance la syndicaliste. En effet, les nouvelles infirmières diplômées intègrent automatiquement la catégorie A. « Elles partiront à la retraite à 62 ans, sans reconnaissance de pénibilité », lâche-t-elle. A moins d'aller travailler dans le secteur privé...
Pourtant, souligne Nathalie Depoire, « la pénibilité n'a jamais été aussi forte : exposition au risque chimique, stress permanent, alternance jour/nuit qui se développe dans les établissements... Avec la hausse des cotisations de retraite et le gel du point d'indice, ça commence à faire beaucoup ! »
Le projet de loi devrait être débattu au Parlement cet automne. D'ici là, la CNI, qui réclame une bonification au 1/5 ème pour toutes les infirmières, n'exclue pas d'organiser des actions pour « faire entendre la voix des infirmières ».
Aveline Marques
1- Contacté par nos soins, le ministère des Affaires sociales et de la Santé n'a pas commenté cette information, contenue dans le dossier de presse diffusé par Matignon.
2- Milieu où la pression est supérieure à la pression atmosphérique.
Pour aller plus loin, lire l'enquête sur les résultats du droit d'option à paraître dans L'Infirmière magazine n°329 daté du 15 septembre.