© D. R.
Florence Ambrosino est infirmière, membre du comité de pilotage du GIC Repasi et titulaire d’un master en sciences cliniques infirmières, option parcours complexe. Elle revient ce mois-ci, dans « L’infirmière magazine » d’octobre, sur cette nouvelle profession des infirmières de pratique avancée.
Voilà déjà sept ans que je m’investis sans relâche pour la promotion de la pratique avancée (PA). Dès octobre 2011, lors de mon année parisienne de master 1 en sciences cliniques infirmières (précurseur de la PA), j’ai commencé à en parler autour de moi, à l’expliquer, même si, en toute franchise, je ne comprenais pas encore moi-même grand-chose à ce concept. Ce dont j’étais sûre, en revanche, c’était que nous (les étudiants de la promo) ne serions plus jamais les mêmes. Un profond bouleversement s’opérait, un je-ne-sais-quoi de “différent” dans notre façon d’appréhender le soin, la relation au patient, le système de santé, les modes de prise en charge.
Ce sentiment s’est transformé lors du master 2, même si nous n’en étions qu’aux prémices de la formation. Cet enseignement nous a permis de comprendre les origines et fondements de la profession, pourquoi nous sommes là et comment nous interférons avec le patient, de repenser la réflexivité et la capacité de rester centré sur les objectifs du patient et non les nôtres. Nous avons saisi la complexité du “travailler ensemble”, les fondements de la démarche qualité (je parle de son intention, pas de la pression qu’elle exerce sur la masse salariale) et surtout, nous avons appris à décrypter l’obscure EBN (1). En gros : ne pas se laisser embarquer par n’importe quel article mais savoir vérifier ses sources. La base d’une pratique objective, la bible de la lutte anti-fake news !
Cependant, cette profonde “rupture” n’a pas été sans conséquences pour la plupart des candidats au master. Car le milieu professionnel, lui, n’était pas prêt à accueillir de nouveaux rôles et on ne nous a pas réservé une place. De nombreux dommages collatéraux m’ont été rapportés, je n’en ai pas été exemptée non plus. Beaucoup de “traversées du désert”, de mises au placard, mutations, démissions voire des licenciements. J’ai accompagné des dépressions, des divorces, des reconversions professionnelles, réussies ou non, mais aussi de belles rencontres ! Certaines avouent gommer ce diplôme de leur CV pour retrouver du travail.
Je parlais d’un bouleversement : il est là ! Dans le quotidien personnel et professionnel de la plupart. Un vrai changement structurel. Aujourd’hui, personne ne dispose, à ce jour, du titre d’IPA en France. Nous le savions : comme dans toute “expérimentation”, il faudrait transformer l’essai et valider des unités d’enseignements indispensables à un exercice sécure et responsable de ce rôle. C’était la règle du jeu.
Néanmoins, le reste de l’histoire s’écrira seulement pour une poignée d’entre nous, ceux admis à suivre le cursus validant dès octobre (2). Charge à eux de trouver les financements pour obtenir le précieux diplôme d’État d’IPA. Les objectifs ministériels sont ambitieux (5 000 IPA d’ici quatre ans) et les volontés des candidats fortes. Mais la logistique reste complexe… Gageons que tout ceci soit une très belle avancée pour les patients, pour la profession et le système de santé français. Une innovation disruptive !
1- Evidence based nursing.
2- Le décret relatif à l’exercice infirmier en pratique avancée publié le 19 juillet 2018, au Journal officiel, prévoit notamment l’obtention d’un diplôme d’État d’infirmier en pratique avancée.
POUR ALLER PLUS LOIN...
• Découvrez l'éditorial de Véronique Hunsinger "Stop aux fake news" paru dans L'Infirmière libérale magazine (réservé aux abonnés)
• Dévorez l'interview de Caroline Faillet : "La santé, première victime des fake news", dans L'Infirmière libérale magazine (réservé aux abonnés). Disponible aussi en podcast !