© D. R.
Ni maton, ni « bonne à tout faire », Suzie Q narre ce qui se passe entre les murs de l’HP. Ce mois-ci, elle nous plonge au cœur d’une réunion de service bien agitée, où l’éducation thérapeutique crée le débat parmi les soignants.
C’est une Corinne en colère qui prend la parole. « Non mais moi,
je ne suis ni prof ni éduc, alors vos histoires d’ETP, ça commence à
me gonfler ! » Le cadre lève un œil
et, d’une voix posée, lui répond : « Écoute, on ne te demande pas
de changer de métier mais l’ETP, c’est dans l’air du temps, faut
s’y faire, c’est tout... »
Mais ce discours ne saurait convenir à Franck, alors il se lance à son tour pour tenter de répondre au dépit de notre collègue.
– Laisse-moi te raconter un truc, Corinne. Tu veux bien ?
– Vas-y, on est réunion de service, on est là pour ça. Parler...
– OK. L’ETP, tu vois, ça fait
des années que je la pratique et pourtant, souvent, je continue à la prononcer HETP avec un H muet.
– Alors là, je ne vois pas trop…
– Un “H” muet pour Hésitation thérapeutique du patient. Et ça n’enlève rien au fait que je suis
un convaincu de l’intérêt de l’ETP.
– Tu hésites et tu es convaincu en même temps, va falloir m’expliquer...
– L’ETP peut t’apparaître comme enfermante ou trop rigide mais
ce n’est pas le cas. Oui, elle offre une structure, mais c’est une structure au sein de laquelle
la créativité du soignant et
du patient peut s’exprimer.
– N’empêche, je ne suis pas
là pour donner des cours…
– Tu sais que c’est vraiment réducteur ce que tu dis là…
Sur le Net, ce genre de propos s’apparente à du troll. Mais il ne s’agit pas de donner des cours. Aujourd’hui, toute personne qui sait chercher sur Internet se passera allègrement des services d’un prof à l’ancienne. Non ! Ton rôle va être d’accompagner, de hiérarchiser, d’expliquer... De trier aussi, parmi toutes les sources d’infos plus ou moins bonnes.
– Donc, je suis pas prof mais bibliothécaire, c’est encore mieux...
– Et troll n°2, t’es en grande forme dis-donc ! Non, ton rôle va être d’évaluer, d’encourager, de valoriser, de souligner les progrès. Et, surtout, d’impliquer le patient.
– En faire un acteur…
– Oui, c’est ça, mais cette expression est très galvaudée dans nos services. Car, en ETP, on parle de pathologies chroniques, lourdes, qui transforment radicalement nos patients. Ils ont une faible estime d’eux-mêmes et, surtout, la vision qu’ils ont de leur avenir est
celle d’une nuit sans étoile...
Et Franck d’enfoncer le clou.
– « Tu me dis, j’oublie.
Tu m’enseignes, je me souviens.
Tu m’impliques, j'apprends. »
Cette phrase, c’est Franklin
qui l’a prononcée. Pas la tortue,
mais le politicien américain.
Elle est le cœur de l’ETP.
Retrouvez les aventures de Suzie Q sur son blog : Suzie Q in the House of Madness.