L'infirmière Libérale Magazine n° 369 du 01/05/2020

 

COVID-19

ACTUALITÉ

Isabel Soubelet  

Pour comprendre la pandémie de Covid-19 liée à l’infection par le nouveau coronavirus (Sars-CoV-2) qui touche actuellement la planète, des scientifiques se penchent sur les origines de cette émergence. Ils pointent la perte de biodiversité et le changement climatique, mais aussi la globalisation des échanges qui favorisent l’expansion des agents zoonotiques.

TOUT A COMMENCÉ LE 9 JANVIER 2020 DANS LA VILLE DEWUHAN, CHEF-LIEU DE LA PROVINCE DU HUBEI EN CHINE. « Si on regarde l’origine de ce qui s’est passé là-bas, il s’agit d’un contact entre un ou des humains avec un ou des animaux sauvages porteurs du CoV-2 émergent, explique Jean-François Silvain, président de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB). D’après les dernières recherches, sur la base de la similitude des séquences génétiques, les chauves-souris sont les réservoirs potentiels de ce virus. Il est possible qu’il y ait eu un hôte animal intermédiaire, notamment le pangolin, mais cette hypothèse demande encore à être confirmée. »

Des zoonoses en augmentation

Ce qui est certain, c’est qu’il s’agit bien d’une zoonose. Ainsi, les deux tiers des maladies infectieuses humaines sont transmises par des animaux sauvages ou domestiques. Et sur les dernières décennies, la liste des agents zoonotiques ayant entraîné des épidémies est longue : du coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient (Mers-CoV) détecté en 2012 en Arabie saoudite à celui du syndrome respiratoire aigu sévère (Sras-CoV) qui a débuté en Chine fin 2002, en passant par les virus Zika, Hendra, Nipah ou encore Ebola, etc. Selon une note de la FRB et de son conseil scientifique publiée en avril (1), « en l’état actuel des connaissances, la pandémie en cours apparaît liée à des atteintes à la biodiversité ». Ainsi, en raison de la surexploitation des ressources vivantes, dont le braconnage et l’urbanisation, les habitats de nombreuses espèces animales sont détruits. « Les activités humaines empiètent de plus en plus sur les surfaces laissées antérieurement à la vie sauvage, augmentant ainsi les risques de contact avec des agents pathogènes potentiellement dangereux pour l’homme », précise Jean-François Silvain. C’est bien la combinaison de trois facteurs qui crée les conditions d’explosion des épidémies : la perte de biodiversité, l’industrialisation de l’agriculture et de l’élevage qui accentue cette érosion, et l’essor des transports de marchandises et de personnes. Un cocktail qui représente un vrai défi pour les systèmes de santé publique, comme c’est le cas actuellement avec la Covid-19.

Favoriser l’approche “One Health”

« Les virus et les bactéries sont des organismes vivants, ils font partie de la biodiversité, souligne Olivier Plantard, directeur de recherche à l’Inrae, UMR Épidémiologie et analyse de risque en santé animale (BioEpAr Inrae-Oniris). Il faut arrêter de penser que l’on peut tout éradiquer. Il nous faut cohabiter avec ces virus qui ne sont pas tous nuisibles pour l’homme, mais qui permettent aussi de réguler d’autres agents pathogènes. » Introduit au début des années 2000, le concept “One Health” (une seule santé) synthétise en deux mots une notion connue depuis plus d’un siècle, à savoir que la santé humaine et la santé animale sont interdépendantes et liées à la santé des écosystèmes dans lesquels elles coexistent. « Il faut aussi prendre en compte le fait qu’un agent infectieux et son hôte vivent dans un écosystème avec d’autres espèces d’agents infectieux, d’autres espèces d’hôtes. C’est ce qu’on appelle l’écologie de la santé. » Cette démarche, qui peine à s’imposer, intègre les apports des écologues, des vétérinaires, des médecins, des spécialistes en santé publique, des défenseurs de la biodiversité pour mieux comprendre le développement des maladies. « La crise actuelle est bien entendu spectaculaire, car la moitié de la planète est touchée et confinée, indique Aleksandar Rankovic, PhD, chercheur spécialiste de la gouvernance mondiale de la biodiversité à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Mais il faudrait désormais travailler sur une approche plus préventive en santé, notamment sur les voies d’entrée et d’apparition des virus et sur une analyse plus fine des liens de causalité. Malheureusement, la victoire dans la prévention n’est pas visible, sa rentabilité ne se voit pas ! Pour changer les choses, il faut un big bang dans les mentalités qui, lui, n’arrive que lors d’une catastrophe. » Le moment est bel et bien venu de s’emparer de cette approche pour inverser la tendance…

(1) https://www.fondationbiodiversite.fr/wp-content/uploads/2020/04/FRB-2020-Note-CS-Covid-19.pdf

Articles de la même rubrique d'un même numéro