Objectif Soins n° 226 du 01/05/2014

 

Qualité Gestion des risques

Anne-Lise Favier  

Si le monde de la santé a largement pris conscience de l’impact environnemental qu’il peut avoir, il existe encore une marge de progrès. Le point avec Olivier Toma, président du Comité du développement durable en santé.

Prenez une structure qui fonctionne en continu, consommant de l’énergie pour s’éclairer, se chauffer et faire tourner un matériel à la pointe de la technologie, ajoutez-y des produits chimiques, voire radioactifs, une consommation d’eau énorme et des déchets à ne plus savoir quoi en faire : voici l’image de l’hôpital. Une caricature, peut-être, mais assez proche de la réalité du quotidien. Et une image qui semble bien peu compatible avec une démarche en adéquation avec un développement durable. Et pourtant, depuis quelques années, les choses avancent : sous l’impulsion du Comité du développement durable en santé (C2DS) mené par Olivier Toma (cf. encadré), les établissements sont de plus en plus nombreux à se mettre au vert. Suite au Grenelle de l’environnement, des barrières sont tombées : en plus de rallier à sa cause les établissements de santé, c’est désormais tout le secteur médico-social qui s’engouffre dans la brèche du développement durable : « Nous étions quinze adhérents en 2005 au C2DS, nous en comptons désormais quatre cents », se félicite Olivier Toma, président du C2DS. Le développement durable fait désormais partie intégrante des préoccupations de l’hôpital, grâce à la mutualisation de pratiques et aux exigences de la certification par la Haute Autorité de santé. Et si d’immenses progrès ont été réalisés, la marge de progrès est encore vaste.

CONCEVOIR DURABLE, MAIS UTILISER DURABLEMENT…

Du point de vue de l’éco-construction, tout reste à faire, selon Olivier Toma. Alors certes, le Grenelle de l’environnement a rendu obligatoire certaines normes comme la construction HQE (Haute qualité environnementale), mais le problème de fond est que la réalité n’est pas le reflet des projets sur le papier : « Combien d’établissements surchauffent les chambres, obligeant les patients à ouvrir les fenêtres pour ne pas avoir trop chaud ? Combien d’établissements ont voulu mettre en place des actions exemplaires sur le papier, mais n’ont pas pris le temps de former les utilisateurs, personnels et patients, aux bonnes pratiques ?, s’interroge le président du C2DS. Il n’y a pas de secret, toutes les bonnes pratiques ne trouvent de bons résultats que si elles sont mutualisées, il faut donc que tous les établissements travaillent ensemble. » Il faut revoir aussi les pratiques des professionnels de santé, repenser “écoconception” des soins, en mesurant l’impact de l’énergie utilisée, les déchets générés, etc. Le chemin est long, et ce n’est qu’en communiquant que les progrès seront substantiels.

ÉCOLOGIE RIME AVEC ÉCONOMIES

Du point de vue énergétique, la prise de conscience du gâchis qu’il pouvait y avoir a été salutaire : en plus de réduire leur émission de gaz à effet de serre et donc leur impact carbone, les établissements y ont également gagné en termes économique : moins de taxe carbone, moins de facture énergétique, la mise au vert est plutôt bénéfique. Au centre hospitalier d’Avignon, dans le Vaucluse, un comité du développement durable est né en 2008 pour mettre en place des indicateurs qui ont permis d’avoir une vision précise et régulière des consommations d’eau, de gaz et d’électricité : 1,5 % du budget de l’hôpital s’engouffrait alors dans les dépenses liées à ces consommations, soit 2,850 millions d’euros. Puis quatre audits ont été menés, à la suite desquels des travaux de restructuration et de rénovation ont eu lieu : à la clé, une amélioration du rendement de 10 % de la chaudière centrale, une économie de 475 000 euros sur la facture de gaz et de 120 000 euros côté électricité. Mieux, côté facture d’eau, plus de gâchis, puisqu’un travail de recherche de fuite a été entrepris avec là aussi une économie substantielle : 370 000 m3 ont été économisés en cinq ans ! Un travail qui a porté ses fruits et qui a mené l’établissement avignonnais à économiser l’équivalent de 2 800 tonnes d’émission CO2.

LE FLÉAU DES DÉCHETS ET DU GASPILLAGE

Du côté des déchets, souvent pointés du doigt à l’hôpital, Olivier Toma constate que le tri sélectif, qu’on aurait pu penser être relativement difficile à mettre en place, est entré dans la culture hospitalière : à côté des Dasri, on trie et recycle une quantité invraisemblable de déchets, qui iront parfois vers une seconde vie. « Certains établissements récupèrent l’or ou le platine contenus dans certains dispositifs médicaux à usage unique, jetables, d’autres ont mis en place différentes filières de tri, parfois plus d’une vingtaine, allant même jusqu’à recycler le verre médicamenteux », raconte le président du C2DS. Avec un coût plus maîtrisé pour l’ensemble des filières utilisées. Rappelons que d’ici 2015, conformément aux résolutions du Grenelle II, tous les producteurs de déchets dits fermentescibles seront tenus de les faire traiter. Les établissements s’organisent déjà pour trouver des filières locales.

Un développement durable à l’hôpital ne serait rien sans une prise de conscience du gaspillage alimentaire : « L’hôpital est le plus grand restaurant de France, rappelle Olivier Toma, mais le gaspillage dans ce domaine est un véritable fléau. Au C2DS, nous lançons une campagne pour évaluer la quantité de déchets générés par ce biais, afin de mener ensuite des actions correctrices. » Et puisqu’une des raisons qui expliquent la mise en place d’une démarche durable à l’hôpital trouve son origine dans des raisons purement économiques, citons pour finir le rapport Stern, sur la transition écologique qui estime que le coût de l’inaction pèserait au bas mot 5 % du PIB mondial (soit l’équivalent de 5 500 milliards de dollars), tandis que le coût de l’action s’élèverait à 1 % du PIB. Transposé à l’échelle de chaque établissement de santé, le calcul est vite fait… Et tous les établissements qui se sont mis au vert y ont trouvé leur compte, que ce soit en matière de santé, conformément au principe d’Hippocrate, primum non nocere (« d’abord ne pas nuire ») et du point de vue économique, tant les économies à réaliser sont intéressantes.

Quelles marges de progrès ?

Si les efforts commencent à porter leurs fruits, l’hôpital a encore une bonne marge de progrès pour être exemplaire. Et en tant que structure de santé, cette exemplarité, selon Olivier Toma, est indispensable et repose sur trois points :

• l’innovation industrielle,

• une mutualisation des pratiques,

• une fusion des ministères de la Santé et de l’Écologie.

Quelles marges de progrès ?

Si les efforts commencent à porter leurs fruits, l’hôpital a encore une bonne marge de progrès pour être exemplaire. Et en tant que structure de santé, cette exemplarité, selon Olivier Toma, est indispensable et repose sur trois points :

• l’innovation industrielle,

• une mutualisation des pratiques,

• une fusion des ministères de la Santé et de l’Écologie.

Le C2DS, c’est quoi ?

Le Comité pour le développement durable en santé (C2DS) est une association à but non lucratif créée en 2006, fédérant des établissements de santé mobilisés par le développement durable. Il a pour but de sensibiliser les acteurs de la santé aux avantages des bonnes pratiques du développement durable afin de mieux maîtriser l’impact humain, environnemental, culturel et économique de leur activité. Il poursuit également les objectifs du Grenelle II et participe activement aux projets déployés par le gouvernement, notamment le PNSE 3 et le débat national sur la transition énergétique. Il a mis en place un indicateur de développement durable (IDD) qui permet à tout établissement de santé de mesurer le chemin parcouru et les progrès à faire pour une démarche durable à l’hôpital.

→ Plus d’infos sur http://c2ds.eu