Redoutables et essentielles questions : de quel type est la responsabilité du cadre de santé ? Le cadre de santé est-il encore soignant ? Si la loi impose une définition, le terrain laisse une place primordiale à la conciliation. Voici des éléments de réponse.
Le Code de la santé publique définit le régime des professions médicales et des auxiliaires médicaux, pas celui des cadres de santé. Le Conseil d’État (20 mars 2013, n° 357896), confirmant cette approche, a jugé que les cadres de santé ne doivent pas être inscrits à leur ordre professionnel d’origine, dans la mesure où ils ne pratiquent plus les actes de cette profession. Ce principe est clair, pourtant, une lecture fractionnée soins/management ne rend pas compte du réel. Tout se joue dans la conciliation.
Pour qui cherche une définition juridique, la source est le décret n° 2012-1465 du 26 décembre 2012, qui modifie le décret n° 2001-1375 du 31 décembre 2001 portant statut particulier du corps des cadres de santé de la fonction publique hospitalière. Toutefois, ce texte, d’objet statutaire, est en fait peu explicite.
• L’article 4, très proche de la rédaction ancienne, traite du grade de « cadres de santé ».
« Les agents du grade de cadre de santé exercent :
« 1° Des fonctions correspondant à leur qualification et consistant à encadrer des équipes dans les pôles d’activité clinique ou médico-technique des établissements et leurs structures internes ;
« 2° Des missions communes à plusieurs pôles d’activité clinique ou médico-technique ou plusieurs structures internes des établissements ou de chargé de projet au sein de l’établissement ;
« 3° Des fonctions d’encadrement correspondant à leur qualification dans les instituts de formation et écoles relevant d’établissements publics de santé qui préparent aux différentes branches des professions infirmières, de rééducation et médico-techniques. Dans ce cas, ils prennent part en qualité de formateur à l’enseignement théorique et pratique et à la formation des élèves et étudiants. Ils prennent part, le cas échéant, aux jurys constitués dans le cadre du fonctionnement des instituts ou écoles ;
« 4° Le cas échéant, des fonctions de collaborateur de chef de pôle, prévues au huitième alinéa de l’article L6146-1 du Code de la santé publique, lorsque celles-ci ne peuvent être assurées par un cadre supérieur de santé. »
• L’article 5 reprend les mêmes notions pour le cadre supérieur de santé, en étendant le domaine d’action.
Alors ? Encadrement des équipes dans les pôles d’activité, missions communes à plusieurs pôles d’activité, encadrement dans les instituts de formation, collaborateur de chef de pôle… Une référence, assez directe, se trouve dans la fonction du directeur de soins, sommairement définie par les textes, et qui est une bonne source d’inspiration (décret n° 2002-550 du 19 avril 2002 modifié, article 4). S’ajoutent les références générales à tout ce qui concerne la gestion hospitalière, déclinée à partir du projet d’établissement. Tout ceci correspond à des notions connues, avec la ligne nette d’un professionnel encadrant et ne pratiquant pas directement les actes de soins, mais le contenu n’est pas abordé. Est-ce indispensable ? Est-ce regrettable ?
En droit, ce n’est pas indispensable. L’autorisation de la loi ne s’impose que pour autoriser l’exercice des actes, qui constituent juridiquement des atteintes au corps humain. D’ailleurs, d’un point de vue pragmatique, l’expérience montre que l’analyse pallie l’absence de définition légale, et les juges, quand ils sont saisis, parviennent à s’y retrouver, et spécialement, car le Code pénal donne un cadre général à la fonction du “décideur”, celui qui crée les conditions du travail des autres (Code pénal, article 121-3 alinéa 4). À terme, on reviendra toujours à cette référence légale, qui est d’autant plus forte qu’elle est générale à toutes les professions, et bénéficie par contrecoup d’une sérieuse assise jurisprudentielle. Pour autant, vu l’importance des missions confiées – occupant tout le champ entre les soins et le management – et les responsabilités corrélatives, l’exercice professionnel gagnerait beaucoup à disposer d’une définition juridique, pour éviter une casuistique soumise à la tension du quotidien. Cette absence est donc regrettable, même s’il existe un palliatif très pertinent via l’analyse de la formation.
La plus effective des références juridiques se trouve dans l’annexe I de l’arrêté du 18 août 1995 relatif au diplôme de cadre de santé. Voici le raisonnement. Les cadres de santé, qui exercent une fonction transversale, ne disposent pas d’une définition légale de leurs compétences, en revanche, ils sont titulaires d’un diplôme, acquis au terme d’une formation, et la titularité du diplôme signifie qu’ils ont la maîtrise du contenu des enseignements. C’est dire aussi toute la responsabilité des Instituts de formation des cadres de santé…
La définition juridique ne résulte donc pas de la lecture simple d’un texte, mais de la mise en lien d’un contenu, la formation, avec les procédés d’application du droit, à savoir l’organisation de l’établissement et les règles de responsabilité. Soulignant le rôle des cadres dans le bon fonctionnement des services, le préambule du texte précise que la formation vise « à assurer l’efficacité et la pertinence du rôle de l’encadrement dans l’exercice de ses responsabilités en matière de formation des personnels et de gestion des équipes et des activités ».
Plus important : « La formation conduisant au diplôme de cadre de santé a pour ambition de favoriser l’acquisition d’une culture et d’un langage communs à l’ensemble des cadres de santé afin d’enrichir les relations de travail et les coopérations entre les nombreuses catégories professionnelles, indispensables à la cohérence des prestations. Elle met en œuvre à cette fin un programme identique pour l’ensemble des filières professionnelles et vise à encourager de façon progressive la mise en œuvre d’une dispensation commune interprofessionnelle ou par famille professionnelle. Cette démarche s’effectue dans le respect des caractéristiques propres à chacune des filières professionnelles. » Le texte ajoute que « l’objectif de décloisonnement poursuivi ne saurait en aucun cas conduire à remettre en cause l’identité de chacune des professions ni à autoriser l’encadrement ou la formation des professionnels d’une filière par des cadres de santé n’ayant pas la même origine professionnelle ».
La lecture du programme de formation peut paraître fastidieuse… Mais cette lecture attentive est indispensable. Pour apprécier le comportement d’un cadre de santé, au regard des notions de qualité, d’erreur ou de faute, le juge prendra pour référence le seul texte qui s’offre à lui, et qui est d’importance, car c’est le programme du diplôme, la clé de la porte d’entrée.
Le quotidien des services est envahi par la réglementation, et, bien sûr, on peut avoir des scrupules à demander un texte de plus. Mais, alors que toutes les professions de santé sont définies par la loi, il n’est pas raisonnable que celle de cadre de santé soit privée de cet appui. Soyons réalistes : 40 000 cadres de santé, au cœur de la vie des établissements, passant leur journée à organiser le travail des professionnels de santé… et qui ne sont pas reconnus par la loi ? La définition d’un régime légal serait d’autant plus nécessaire que cette fonction est toujours décrite comme difficile et essentielle. Les cadres sont les rouages des établissements, et ils exercent dans la plus inconfortable des positions, comme interface entre la direction, les médecins, les soignants et les patients. Ce sont les seuls qui sont en relation avec tous. C’est-à-dire qu’ils doivent avoir l’œil sur un large panel de tâches, qui renvoient à des compétences et des règles décisionnelles très différentes.
Surtout, s’il est certain que le cadre est attendu sur le management, c’est du management des soins qu’il s’agit ! Le cadre ne pratique pas, mais il est tout sauf déconnecté de la pratique. Il a un lien matriciel avec les professions de santé, et on n’imaginerait pas que les fonctions soient confiées à un entraîneur sportif ou un lieutenant de l’armée, alors que tous deux sont des maîtres pour l’encadrement des équipes et l’organisation du travail… Le cadre de santé est d’une double logique : celle du management hospitalier et celle de la pratique des soins, mais de toutes les pratiques de tous les soins… De ce point de vue, le cadre a un rôle moteur pour éviter le clivage soins/management, car tous les professionnels de santé doivent être impliqués dans le management ! Une infirmière, un kinésithérapeute ou un manipulateur sont d’abord dans la pratique, oui, mais ils sont parties prenantes des objectifs de qualité, de sécurité et de management. Le cadre est l’acteur d’une continuité, et certainement pas le douanier du management.
Dans les procès en responsabilité, il peut arriver que le directeur d’établissement soit concerné, mais c’est rare. En revanche, les liens de la responsabilité pénale remontent vite au cadre de santé, que l’on retrouve à la barre du tribunal entre les médecins et les infirmières, en tant que professionnel de santé, engageant sa responsabilité vis-à-vis des patients par toutes ses décisions.
Au final, restons concrets : une définition légale serait un meilleur outil que l’interprétation d’un programme de formation… Si la fonction cadre est essentielle – et elle l’est – et complexe – et elle l’est – alors la loi doit la reconnaître. Cela mettrait fin à cette situation paradoxale, avec, d’un côté, des professions de santé de mieux en mieux définies – et c’est très bien – et, de l’autre, la fonction d’encadrement restant dans un flou, qui est une porte ouverte vers le “bon à tout faire”. Ce n’est plus d’époque. Il faut ainsi une loi, courte, donnant la définition, et deux décrets : un sur les missions et l’autre sur la déontologie. Pour les deux premiers textes, cela ira tout seul tant on dispose de références, mais ce sera plus ardu pour le troisième, c’est-à-dire pour définir cette déontologie du croisement des déontologies. Cette difficulté n’est pas un obstacle : elle montre au contraire à quel point il est insatisfaisant d’en rester au non-dit.
Le cadre de santé est au premier rang dans la grande évolution des établissements, à travers un vraie politique de management. Pour réussir, il doit savoir mobiliser nombre de savoirs. L’approche du droit est nécessairement plus limitée, mais elle donne la base. Alors, quelle est cette base ? La qualité des soins ? Cela paraît faible et non pertinent. La base juridique, c’est la mission d’organisation des soins.
La seule référence à la qualité a parfois été prêtée au décret n° 2001-1375 du 31 décembre 2001… alors qu’elle ne figure pas dans le texte. Cette phrase serait : « Le cadre de santé organise, coordonne et contrôle le travail des équipes de soins dans les unités fonctionnelles, services, départements ou fédérations. Il est garant de la qualité des soins de son service. » Garant de la qualité des soins… ce serait tout un programme. En droit, la garantie est une obligation de résultat… que le contrat médical ignore : les praticiens ne s’engagent pas à obtenir un résultat, mais à mettre en œuvre tous les moyens possibles pour tendre vers le meilleur résultat.
De plus, « être garant de la qualité des soins » ne veut, en droit, rien dire. La qualité est le but inatteignable, et ce serait une fiction que de vouloir mobiliser une équipe sur ce but puriste. Bien sûr qu’il faut avoir en tête la qualité, et tout faire pour y tendre, mais l’alchimie, là où tout se joue, c’est dans la gestion de la rareté, dans l’adéquation entre l’infini des besoins des patients et l’utilisation des moyens disponibles. C’est l’idée même du service public, mais c’est aussi le quotidien des établissements privés. Grand organisateur, le cadre de santé est le maître d’adéquation des besoins et des ressources, atteignant parfois les sommets, et souvent à la recherche des moins mauvais compromis. Il ne s’agit pas d’atteindre la qualité, mais de tout faire pour aller vers la meilleure qualité. C’est l’éthique de responsabilité : s’engager pour faire au mieux. La clé n’est pas la qualité, mais l’organisation qui permet d’aller vers la meilleure qualité. On retrouve l’alinéa 4 de l’article 121-3 du Code pénal. C’est la référence au décideur, celui qui crée ou contribue à créer la bonne situation d’exercice et prend les mesures permettant d’éviter les dérives, en conciliant qualité des soins et sécurité du patient.
Il n’existe pas de formules magiques, mais la nécessité de maîtriser et coordonner des données, qui souvent sont contradictoires entre elles, et savoir transmettre les informations.
Professionnel engagé, le cadre de santé doit aussi toujours garder une posture de résistance à la pression des événements, afin de préserver la sphère d’autonomie du patient. L’administration n’a pas de contact direct avec le patient, et les soignants peuvent se trouver happés par les nécessités du quotidien. Il revient au cadre de santé, qui a un œil compétent sur les deux aspects, de veiller à ce que soit toujours préservée la part d’autonomie du patient. Le soin est une rencontre, avec un double mouvement du malade vers l’équipe, et de l’équipe vers le malade.
Imposer le respect des compétences suppose pour le cadre de connaître toutes les compétences professionnelles des membres de l’équipe. Il doit encourager les professionnels à pleinement assumer leurs compétences, et les textes sont incitateurs ; mais, dans le même temps, le cadre doit savoir fixer des limites strictes car les contraintes du quotidien attisent le risque des glissements de tâches, qui sont autant de fautes engageant la responsabilité. Cette action doit être dynamique, donc s’inscrire dans une politique des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques, en lien avec le projet médical.
On connaît le travers qui revient à tout protocoliser, de telle sorte que les soignants perdent la dimension générale et humaine du soin. Ce travers ne remet pas en cause la nécessité d’inclure dans le quotidien les protocoles importants, médicaux ou paramédicaux, pour les transformer en des outils vivants, quotidiens et évalués. Une attention particulière est requise pour l’accueil et d’encadrement des étudiants et élèves en stage en collaboration avec les directeurs.
L’orientation naturelle des professionnels est de se focaliser sur la réalisation des tâches, avec un dialogue qui ne devient approfondi que lors de situations de crise. Le temps est précieux et il faut se garder de la “réunionite”. En revanche, il entre dans la responsabilité de cadre que de savoir être à l’écoute et d’organiser l’expression commune, pour permettre la circulation de l’information et son traitement. Le service doit être un lieu où l’on se parle.
C’est l’une des tâches administratives de base, bien réglementée, et qui reste encore très prenante malgré l’aide de nombreux outils. Très souvent, dans les procédures, apparaît la question d’une insuffisance de personnel, qui est rarement une faute en elle-même mais qui peut le devenir si le planning a été mal géré.
Le cadre de santé, individuellement, mais par les relais que sont le cadre supérieur et la direction des soins, est en situation de mettre en œuvre les consignes reçues de l’autorité hiérarchique, mais il entre dans sa mission que de faire remonter les informations, pour que soient connues les potentialités et les faiblesses du service. Le cadre doit toujours être en mesure d’assurer le lien entre les nécessités gestionnaires et celles liées à la pratique des soins. Il a un rôle clé pour mettre en œuvre la politique des soins de l’établissement, et spécialement être force de proposition pour la politique d’encadrement de l’établissement, et faire vivre la culture du management hospitalier par l’ensemble des professionnels du soin.
Les textes prévoient une fonction du cadre de santé pour assister le chef de pôle (Code de la santé publique, article L6146-1). C’est certainement l’un des points les plus délicats à exercer, car le cadre de santé se trouve alors au plus haut degré dans cette interface entre l’administration générale, l’organisation médicale et la pratique des soins. On retrouve là encore la nécessité de ses hautes compétences pour pouvoir se faire entendre, pour transmettre avec autorité les consignes de service, mais également prendre en compte les informations venant de l’équipe des soignants.
Très souvent, lors des procès, la question de l’évaluation et de la formation se pose. À l’occasion d’une affaire, on découvre des insuffisances professionnelles, et on se tourne vers la capacité du cadre à évaluer les pratiques ou mettre en œuvre de vrais plans de formation. Il doit être acteur de la réalisation des parcours professionnels qualifiants. Il faut certainement beaucoup de tact au cadre de santé pour ne pas être vécu comme un contremaître ou un contrôleur, mais il doit entièrement assumer cette fonction. Le travail en équipe et la capacité à trouver des relais sont de rigueur vis-à-vis des membres de l’équipe qui ne sont pas de la formation d’origine.
Savoirs et autorité, c’est la force de la réussite. Le cadre, au cœur de toutes les contradictions des services, n’assoira son indispensable autorité que s’il est, de fait, très compétent, apprécié et reconnu comme tel. Rien ne marche sans l’autorité du cadre… mais devenir le porteur naturel de cette autorité est un défi.
Le cadre de santé, via la direction des soins, est placé sous l’autorité hiérarchique du directeur d’établissement, et il est alors à son tour en mesure d’exercer cette autorité sur le personnel du service. Mais s’il n’y a que cet exercice de l’autorité hiérarchique, on glissera très vite sur l’autoritarisme, avec le discrédit qui frappe celui qui est vécu comme un agent d’exécution des ordres.
L’autorité du cadre repose sur sa capacité à être la courroie de transmission entre l’administratif, le médical et le soignant, en se plaçant, sur le terrain des soins, comme représentant des uns et des autres. Une mission très délicate, qui repose sur les talents personnels, mais aussi sur une très bonne connaissance de son environnement. Le cadre doit se faire entendre et être en mesure de toujours recevoir les confidences de l’équipe. Ce vécu sain de l’autorité passe par une bonne connaissance des risques juridiques et de la responsabilité.
La formation juridique des cadres de santé est insuffisante. Pour exercer correctement cette mission d’encadrement, il faut disposer d’une véritable connaissance juridique, recouvrant une maîtrise des savoirs et des compétences pour l’ensemble des professions de santé, et des conceptions actualisées de la responsabilité.
La responsabilité en droit de la santé est un sujet complexe, car elle associe toujours trois régimes, le civil, le pénal et le disciplinaire. Les textes disent peu de choses, de telle sorte que beaucoup d’informations passent par la jurisprudence, et comptent autant le fond que la procédure. Aussi, la formation juridique actuelle ne peut satisfaire : embryonnaire, elle n’est pas opérante au regard des responsabilités du cadre de santé. Or la maîtrise de l’environnement juridique est indispensable pour que celui-ci puisse faire la part entre les vents contraires que sont, d’un côté, la nécessité de prévenir des fautes, et, de l’autre côté, celle d’assumer les risques, inhérents à l’acte de soins. Toute erreur n’est pas une faute, mais comment passe-t-on de l’erreur à la faute ? Chaque jour, le cadre infirmier est saisi de questions qui tournent autour de la responsabilité. La formation doit donc renforcer la connaissance d’origine, mais il faut aussi prévoir des actualisations régulières et la mise en place d’un site ressources, permettant de répondre dans un délai rapide.
Dans le sens le plus courant, la responsabilité est entendue comme le sens du devoir et, de ce point de vue, la responsabilité du cadre de santé est de répondre aux missions qui lui ont été confiées, en fonction de ce que l’on peut en attendre au vu des contraintes du réel. Mais cette responsabilité de type moral, si elle est décisive, est insuffisante, et la référence objective est la responsabilité juridique, au sens strict. La question est alors pragmatique : un dommage ayant été subi par le patient, quels sont les faits qui en sont la cause, ces faits sont-ils des fautes, ces fautes n’engagent-elles que la responsabilité des membres de l’équipe de soins ou également de manière indirecte la responsabilité du cadre de santé ?
La réponse par l’application de la loi, à savoir l’article 121-3 du Code pénal qui définit la responsabilité du décideur (lire encadré ci-dessus), qui n’a pas causé directement le dommage, mais qui a « créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage » ou qui n’a pas pris « les mesures permettant de l’éviter ». Les cadres sont responsables pénalement s’il est établi qu’ils ont :
• soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ;
• soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer.
Ce texte doit se lire en lien avec l’article 121-1 aux termes duquel chacun n’est responsable que de sa propre faute. De telle sorte, le cadre de santé n’est jamais responsable, comme par capillarité, des fautes commises par les membres de l’équipe. En revanche, il est responsable d’un éventuel défaut d’encadrement, par une absence d’organisation des soins ou par une mauvaise organisation. Le décideur se trouve exposé à maints périls, car ses décisions ou absences de décision sont susceptibles de concerner toutes situations litigieuses. Aussi, la loi du 10 juillet 2000, qui a refondé l’article L121-3 du Code pénal, a voulu aménager ce régime pour que les décideurs, dont les cadres de santé, puissent mieux assumer les responsabilités qui sont les leurs. Aussi, alors qu’un soignant engage sa responsabilité pour toute faute, même la plus simple, qui commence donc avec l’inattention ou la maladresse, il doit être prouvé pour le cadre de santé un certain degré de gravité, par la démonstration d’une faute caractérisée.
La loi a prévu un aménagement de la responsabilité pour que les cadres de santé disposent d’une marge leur permettant d’assumer les risques. Il leur est demandé en retour d’assumer ces risques, montrant qu’au cœur des rouages de l’établissement, ils sont toujours la vie de la sécurité et des droits des patients.
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, notamment des attestations produites par Mme?A., que le service de l’intéressée au sein du centre hospitalier universitaire de Nice comporte exclusivement l’encadrement d’équipes paramédicales pluridisciplinaires comprenant notamment des masseurs-kinésithérapeutes ; que, dès lors qu’elle n’est pas amenée à accomplir elle-même des actes relevant du massage ou de la gymnastique médicale, c’est par une inexacte application des dispositions précitées des articles L4321-1, L4321-13, R4321-1 et R4112-3 du Code de la santé publique que le Conseil national de l’Ordre des masseurs- kinésithérapeutes a refusé qu’elle soit radiée du tableau de l’Ordre dans le département des Alpes-Maritimes ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, sa décision du 1er février 2012 doit être annulée.
Le rapport de Singly, document de référence sur l’encadrement, n’avait pas trouvé de définition, et en avait inventé une (“Rapport de la mission cadres hospitaliers”, septembre 2009, p. 5). « Parmi les différentes définitions possibles, la mission retient une définition fonctionnelle du cadre hospitalier. Quatre missions principales se dégagent :
– une mission de management d’équipes et d’organisations ;
– une mission transversale ou de responsabilité de projet ;
– une mission d’expert ;
– une mission de formation. »
Le rapport expliquait : « Cette définition apparaît opportune à plusieurs titres : elle dépasse sans les ignorer les qualifications statutaires, elle s’adresse à tous les secteurs de l’hôpital, elle transcende sans les confondre les filières professionnelles, elle se décline aussi bien au sein qu’en dehors des différents niveaux hiérarchiques, elle correspond au mieux aux objectifs indiqués dans la lettre de mission. »
Module 1 – Initiation à la fonction de cadre
• Objectifs : définir et comprendre en début de formation le rôle et la place de l’encadrement dans l’environnement en tenant compte des aspects psychologiques, sociologiques, économiques, législatifs et réglementaires ; identifier le rôle et les missions du cadre et découvrir les modes de management utilisés notamment dans les institutions sanitaires et sociales et les entreprises ; développer ses aptitudes à communiquer efficacement ; appréhender les différentes phases du processus permettant d’intégrer la dimension éthique dans la prise de décision ; adapteret enrichir son projet professionnel.
• Notions étudiées : les grandes notions de psychologie, sociologie, communication, économie et droit.
Une étude conclut la fonction de cadre : « L’histoire et l’évolution de la fonction ; le cadre et la fonction d’encadrement ; les missions, fonctions et rôles de l’encadrement. »
Module 2 – Santé publique
• Objectifs : acquérir à partir de son domaine professionnel une approche interprofessionnelle et pluridisciplinaire des problèmes de santé ; être capable de concevoir, élaborer, mettre en œuvre et évaluer des démarches et projets de santé publique ; appréhender l’organisation du secteur sanitaire et social.
• Notions étudiées : le module aborde la santé publique sous tous ses aspects : concepts et principes, démarches, indicateurs, grands problèmes actuels, mais aussi protection sociale et la solidarité et organisation sanitaire et sociale.
Module 3 – Analyse des pratiques et initiation à la recherche
• Objectifs : appréhender la démarche professionnelle au travers de ses pratiques et savoirs ; appréhender les concepts de recherche et maîtriser les méthodologies et outils de la recherche ; être capable de réaliser une démarche de recherche appliquée au domaine professionnel ; être capable de conduire l’analyse d’une situation de travail à l’aide de cadres conceptuels préétablis ; être capable de conduire l’analyse critique d’une publication.
• Notions étudiées : le module, après l’étude des notions, traite de la méthodologie d’analyse des pratiques et de celle de la recherche. Sont étudiées les bases théoriques et cliniques de l’analyse des pratiques professionnelles et de la recherche appliquée.
Module 4 – Fonction d’encadrement
• Objectifs : déterminer la place et le rôle du cadre dans l’institution sanitaire ou sociale ; organiser, animer et coordonner le travail d’équipe ; favoriser la motivation et encourager les projets professionnels ; anticiper les évolutions de son environnement immédiat au plan technique, humain, juridique, économique ; programmer et coordonner les activités de sa filière professionnelle en fonction des objectifs et des ressources ; évaluer la qualité des prestations en relation avec les besoins des usagers.
• Notions étudiées : le cadre législatif et réglementaire du secteur sanitaire et social ; le management avec les démarches, les méthodes et les modèles ; l’organisation et les conditions de travail, incluant l’hygiène et la sécurité ; l’organisation et l’évaluation des activités professionnelles, qui comprend les procédures et les protocoles d’activités professionnelles, la planification et l’organisation des activités professionnelles et les démarches d’assurance qualité et d’évaluation qualitative et quantitative des prestations professionnelles ; l’usager et les structures de soins, incluant les droits des patients, la prévention des risques iatrogènes, le secret professionnel ; la gestion économique et financière.
Module 5 – Fonction de formation
• Objectifs : maîtriser les méthodes et les techniques pédagogiques ; identifier les besoins en formation des étudiants et du personnel, mettre en œuvre les actions de formation nécessaires ; participer à la formation des étudiants et du personnel ; organiser les conditions de réussite de la formation ; évaluer les résultats ; acquérir les outils de gestion financière et matérielle des actions de formation.
Module 6
Le module 6, qui doit être effectué en fin de formation, est la principale référence, comme le montrent le libellé du module “Approfondissement des fonctions d’encadrement et de formation professionnels”et son contenu.
• Objectifs : approfondir les connaissances acquises au cours de la formation ; perfectionner les pratiques de la fonction que l’étudiant souhaite exercer, à partir de sa famille professionnelle d’origine ; actualiser les connaissances et analyser l’impact des évolutions techniques et fondamentales intervenues dans le domaine de sa filière professionnelle.
• Notions étudiées : en fonction du choix du candidat, ce module sera axé sur la fonction de formation ou sur la fonction d’encadrement, avec ou sans complément en santé publique.
Article 121-1
Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait.
Article 121-3
Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui.
Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.
Dans le cas prévu par l’alinéa qui précède, les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, sont responsables pénalement s’il est établi qu’elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer.