Actuellement, le cancer de la prostate reste le cancer masculin le plus fréquent en France et dans les pays occidentaux. La plupart du temps curable s’il est diagnostiqué précocement, sa prise en charge tient compte de l’extension et de l’agressivité de la tumeur, mais aussi de l’âge du patient et de son état de santé général.
Le cancer de la prostate est une tumeur maligne qui se développe initialement et le plus souvent au niveau de la zone périphérique de la prostate, zone facilement palpable au toucher rectal mais éloigné de l’urètre, ce qui explique que la tumeur doive atteindre un certain volume pour comprimer l’urètre et devenir symptomatique. La présence de symptômes traduit une maladie déjà évoluée, localement (signes urinaires) ou à distance (douleurs liées aux métastases). Les signes urinaires non spécifiques peuvent aussi être dus à une hyperplasie bénigne de la prostate parfois associée au cancer : dysurie (difficultés à la miction), pollakiurie (mictions fréquentes et peu abondantes), hématurie, rétention urinaire.
Au stade métastatique, les métastases sont le plus souvent osseuses (vertèbres, bassin, côtes, os longs, crâne) et entraînent des douleurs, des fractures au niveau des os longs ou des vertèbres (tassement vertébral) avec parfois des signes de compression médullaire. Les métastases pulmonaires et hépatiques d’apparition plus tardive sont plus rares.
Outre l’âge, le risque de cancer de la prostate est multiplié par deux à cinq en cas d’antécédents familiaux de ce cancer chez des parents du premier degré (père, fils). Le risque étant plus élevé lorsque deux parents ou plus sont atteints.
L’origine afro-antillaise constitue un facteur de risque alors que le risque de cancer de la prostate est faible chez les hommes asiatiques. L’exposition à certains pesticides (notamment le chlordécone, utilisé dans la culture de la banane) a été incriminée mais ce lien n’est à ce jour pas démontré.
Au stade asymptomatique, c’est une anomalie du taux de PSA (Prostate specific antigen ou antigène prostatique spécifique), ou plus rarement un toucher rectal anormal qui alerte.
Le diagnostic est ensuite établi par les biopsies de la prostate. Le cancer est parfois diagnostiqué fortuitement au cours de l’examen anatomo-pathologique des tissus prélevés lors du traitement d’une hypertrophie bénigne de la prostate.
Le PSA est une glycoprotéine, sécrétée par les cellules prostatiques, qui participe à la liquéfaction du sperme.
Son élévation n’est pas spécifique du cancer de la prostate : elle peut traduire également une anomalie non cancéreuse, comme une hypertrophie bénigne de la prostate ou une prostatite, d’où l’importance d’interpréter le dosage du PSA en tenant compte des résultats du toucher rectal et, selon le cas, des examens complémentaires (biologiques, imagerie).
Par ailleurs, toute élévation du PSA ne conduit pas d’emblée à une biopsie prostatique. On peut aussi se baser sur la “cinétique” du PSA, notamment sur le temps de doublement, c’est-à-dire le temps que met le taux de PSA pour être multiplié par deux. Le PSA libre, fraction du PSA non fixé aux protéines, n’est jamais demandé en première intention.
Elles sont indiquées en cas d’augmentation du taux de PSA ou d’anomalie du toucher rectal indépendamment de la valeur du PSA.
Leur examen anatomopathologique confirme le diagnostic.
Une biopsie prostatique expose à un risque hémorragique et infectieux, ce qui justifie une antibioprophylaxie par quinolone.
L’apparition d’une fièvre ou de douleurs pelviennes après la biopsie doit faire évoquer une prostatite aiguë et justifie une hospitalisation en urgence.
Ils sont utilisés pour affiner les indications des biopsies prostatiques. Il s’agit du PCA3 (Prostate Cancer Antigen 3), un marqueur biologique qui correspond à un gène exprimé uniquement par le cancer de la prostate et du calcul de l’index PHI (Prostate Health Index).
À l’issue du bilan initial, la tumeur est classée selon son stade cTNM : “c” désigne le stade clinique pré-thérapeutique, “T”, le stade de la tumeur, “N”, la présence d’adénopathies cliniques et “M”, l’absence (M0) ou la présence (M1) de métastases à distance. On distingue ainsi les tumeurs localisées (sans franchissement de la capsule, stades T1 et T2), les cancers localement avancés qui ont envahi la capsule (stade T3) ou un organe voisin (vessie, rectum ; stade T4) et les tumeurs au stade métastatique.
Outre la classification cTNM, l’examen anatomopathologique permet de classer la tumeur selon son grade histologique (score de Gleason allant de 6 à 10). Plus le score est élevé, plus la tumeur est agressive.
La classification de d’Amico, basée sur le score cTNM, le score de Gleason et la valeur du PSA total, établit trois sous-groupes de cancers localisés de la prostate selon le risque de rechute. On distingue ainsi les tumeurs localisées à faible risque évolutif, à risque intermédiaire et à haut risque.
Généralement découvert lors d’un dépistage individuel, le cancer de la prostate a le plus souvent une évolution très lente. Certaines formes restent latentes durant toute la vie du patient.
Diagnostiqué précocement, il est le plus souvent curable. Au stade localisé, il peut être guéri définitivement par un traitement radical (prostatectomie, radiothérapie). Au stade avancé, une rémission plus ou moins longue de la maladie peut cependant être obtenue, en particulier grâce à un traitement hormonal.
Selon la Haute Autorité de santé (HAS), le dépistage systématique du cancer de la prostate par dosage du PSA n’est pas justifié, ni dans la population générale, ni chez les hommes présentant des facteurs de risque.
Pour l’Association française d’urologie (AFU), cet avis de la HAS ne dispense pas d’une démarche de diagnostic précoce pour pouvoir traiter à temps les formes agressives de cancer (lire interview p.45).
Une espérance de vie d’au moins dix ans est un élément important pour proposer un traitement curatif (généralement prostatectomie ou radiothérapie) en cas de cancer localisé de la prostate. Pour le patient dont l’espérance de vie estimée est inférieure à dix ans, le choix se porte selon le cas sur une surveillance simple, un traitement hormonal ou un traitement palliatif. Les formes localisées à risque faible de récidive peuvent relever d’une surveillance active (lire interview p.45), de la prostatectomie radicale, de la radiothérapie externe ou de la curiethérapie.
Les formes localisées à risque intermédiaire relèvent de la prostatectomie ou de la radiothérapie associée ou non à une hormonothérapie courte (maximum six mois).
Le traitement des formes localisées à risque élevé et des cancers localement avancés fait appel à un traitement multimodal : prostatectomie et/ou radiothérapie en association à une hormonothérapie prolongée (deux à trois ans). Au stade métastatique, le traitement de référence est l’hormonothérapie prolongée qui fait appel aux analogues (goséréline - Zoladex ; leuproréline - Enantone, Eligard ; buséréline - Bigonist, Suprefact ; triptoréline - Décapeptyl, Gonapeptyl) ou aux antagonistes de la LHRH (dégarelix - Firmagon) et aux antiandrogènes non stéroïdiens (bicalutamide - Casodex ; nilutamide - Anandron) ou stéroïdiens (acétate de cyprotérone). Le diéthylstilbestrol n’est pas utilisé en première ligne du fait de ses effets indésirables cardiovasculaires importants.
L’efficacité de l’hormonothérapie est limitée dans le temps car un échappement au traitement hormonal se produit après un délai variable (environ deux ans, voire trois). C’est la phase d’hormonorésistance. Le traitement repose alors sur une chimiothérapie (docétaxel, cabazitaxel, mitoxantrone) ou une hormonothérapie de deuxième intention : l’abiratérone (Zytiga) ou l’enzalutamide (Xtandi).
Encourager une alimentation saine et équilibrée (riche en fruits et légumes, préférer les huiles végétales aux graisses saturées) et une activité physique régulière pour limiter le risque de prise de poids (lire interview p.45).
Il faut veiller à ce que le patient ait toutes les informations et documents faisant suite à l’intervention chirurgicale.
La récupération de la continence urinaire s’effectue généralement en trois à six mois mais elle peut parfois s’avérer plus longue. Dans 5 à 10 % des cas, une incontinence urinaire d’effort (toux, rire, activité sportive…) peut persister. Une rééducation périnéale avec des exercices de contraction du périnée accélère le retour à la continence et limite la survenue d’une incontinence urinaire d’effort au long cours. Les exercices doivent être faits quotidiennement.
Le patient doit boire suffisamment et régulièrement pour assurer une bonne diurèse et un “lavage vésical”. Il doit signaler les troubles liés à une cystite radique (brûlures urinaires, dysurie…), car des traitements symptomatiques peuvent être prescrits (antalgiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens, antispasmodiques…). Si les symptômes sont gênants, les séances de radiothérapie peuvent être suspendues transitoirement. En cas de rectite (diarrhée…), il est recommandé de limiter les aliments irritants (gras ou riches en fibres, épices, café…) et de privilégier riz, pommes de terre, pâtes, carottes cuites, bananes, compote de coing.
L’irradiation émise à distance de la prostate par les grains radioactifs est faible et décroît au fil du temps, mais des précautions s’imposent les premières semaines : ne pas prendre d’enfants sur ses genoux, se tenir éloigné des femmes enceintes à un mètre de distance. De même, les rapports sexuels doivent être protégés (préservatifs…) dans un premier temps. Il peut être demandé au patient de filtrer ses urines à l’aide d’une passoire et dans un récipient spécial.
Une bonne observance des traitements est essentielle pour maintenir l’efficacité de la castration androgénique induite.
L’hypotestostéronémie favorise la prise de poids, la fonte musculaire et induit des anomalies métaboliques : hypertension artérielle, dyslipidémie, risque de diabète…. Elle augmente aussi le risque d’ostéoporose et de fracture. Il faut encourager une alimentation équilibrée, une activité physique régulière, l’arrêt du tabac si besoin, un apport suffisant en calcium et vitamine D (sur prescription médicale).
Les troubles cognitifs sont fréquents : difficultés à se concentrer, diminution des capacités intellectuelles, désintérêt, voire syndrome dépressif. L’entourage doit être prévenu pour pouvoir, le cas échéant, démasquer les premiers signes d’une dépression. Les exercices de stimulation intellectuelle (jeux en famille, mots croisés, jeux avec les petits enfants…) peuvent être encouragés.
L’abiratérone (Zytiga) peut induire des œdèmes périphériques, des hypokaliémies, des hypertensions artérielles et des infections du tractus urinaire. Il faut recommander au patient de surélever les jambes en position assise et de limiter sa consommation en sel (ne pas resaler les plats). L’automesure tensionnelle peut être encouragée. Une augmentation de la tension artérielle, une prise de poids importante ou l’apparition ou l’aggravation des œdèmes imposent une consultation en urgence.
Tous les traitements du cancer de la prostate ont un impact sur la sexualité et la fertilité. Une conservation du sperme est proposée aux patients qui le souhaitent avant le début de l’intervention ou du traitement médical.
Après prostatectomie, le retour d’érections naturelles dépend de l’âge du patient, de la préservation ou non des bandelettes nerveuses et de la reprise précoce (dans les trois à six mois) d’une activité sexuelle. Pour les patients qui le souhaitent, une rééducation sexuelle est proposée : elle consiste à provoquer des érections régulières (si besoin avec des médicaments) pour maintenir l’oxygénation des tissus caverneux et préserver ainsi leur capacité à pouvoir être en érection. Cette récupération des érections est possible jusqu’à deux ans après l’intervention du fait de la régénérescence lente des fibres nerveuses.
→ Le cancer de la prostate est le cancer masculin le plus fréquent en France et dans les pays occidentaux (56 800 nouveaux cas en 2012 en France métropolitaine).
→ Il se situe au 3e rang des décès par cancer chez l’homme après le cancer du poumon et le cancer colorectal (8 900 décès en 2012).
→ L’âge moyen au moment du diagnostic est de 71 ans.
→ C’est un cancer hormono-dépendant. Les androgènes, qui se fixent sur les cellules prostatiques, normales ou tumorales, en conditionnent la croissance et la survie.
→ Quelle est la position de l’Association française d’urologie (AFU) sur le dépistage du cancer de la prostate ?
À l’heure actuelle, il est difficile de prédire l’évolution d’un cancer de la prostate, en particulier pour les cancers localisés diagnostiqués sur de faibles élévations du taux de PSA. Le dépistage a pour but d’identifier les formes agressives liées à des PSA très élevés ou à cancer de score de Gleason élevé (haut risque). Ainsi, l’AFU recommande un toucher rectal annuel et un dosage annuel du PSA à partir de 55 ans et dès 45 ans chez les hommes à risque (hérédité, origine ethnique). Ce dépistage concerne les patients dont l’espérance de vie est d’au moins dix ans, sans facteursde comorbidité associé. Si la valeur du PSA initiale est très basse, inférieure à 1 ng/ml,le risque de développer un cancer agressif est très faible et les dosages peuvent être espacés tous les deux ans, voire arrêtés.
→ Quelle différence entre surveillance active et “abstention-surveillance” ?
L’abstention surveillance (ou watchfull waiting) s’adresse aux patients ayant un cancer latent ou une tumeur localisée non agressive et dont l’espérance de vie est inférieure à dix ans. Un traitement à visée palliative n’est proposé que chez les patients devenant symptomatiques.
La surveillance active s’adresse aux patients atteints d’un cancer localisé à faible risque. Elle implique une surveillance étroite pour pourvoir si nécessaire traiter à temps : dosage du PSA tous les trois à six mois, toucher rectal tous les six à douze mois, biopsie prostatique tous les douze à dix-huit mois. En pratique, cette démarche génère beaucoup de stress et d’anxiété, mais si elle est proposée, c’est que le cancer est à faible risque. Un traitement ne sera peut-être pas nécessaire, ce qui évite de nombreux effets indésirables.
« Limiter la prise de poids est du bon sens valable pour de nombreuses pathologies y compris le cancer de la prostate.
Il a été démontré que les patients atteints de cancer de la prostate qui suivaient un régime alimentaire visant à limiter la prise de poids réduisaient le risque de progression et de récidive de leur cancer. En revanche, concernant la consommation particulière de certains aliments dits “protecteurs” (comme la tomate, le lycopène, les protéines du soja, le thé vert, le sélénium vitamine E…), aucune étude solide n’a à ce jour montré leur intérêt dans le cancer de la prostate. »
Pr Alexandre de la Taille, service d’urologie de l’hôpital Henri-Mondor, Créteil (Val-de-Marne)
Céline Poulain Cadre de santé en urologie
« Il est important de veiller à ce que le patient ait toutes les informations nécessaires au bon déroulement du post-opératoire à domicile. Il doit recevoir une fiche d’information sur son intervention, sur la prise en charge de sa sonde urinaire, sur les rendez-vous de consultation de suivi avec l’urologue (généralement un mois après l’intervention avec un dosage du PSA à réaliser) et il doit avoir en sa possession les ordonnances (prise de sang, antalgiques…). Il faut par ailleurs lui rappeler les recommandations concernant les suites immédiates de l’intervention : veiller à boire régulièrement pour limiter le risque d’infections urinaires, contacter l’hôpital en cas de fièvre supérieure à 38,5 °C ou de douleur allant en s’aggravant. Il faut aussi lui recommander de ne pas prendre de bains les semaines suivant l’opération pour limiter le risque infectieux et ne pas nuire à la cicatrisation. La sonde doit être lavée à l’eau et au savon sous la douche. »