Qualité Gestion des risques
Les dommages liés aux soins sont des impondérables. Et pourtant, il faut pouvoir les annoncer au patient. Pour lui et pour les soignants. Pour progresser ensemble.
Le dommage lié aux soins est une réalité. Chaque année, on estime que l’incidence des événements indésirables graves se situe autour de six pour mille journées d’hospitalisation (Enquête nationale sur les événements indésirables graves associés aux soins de 2010
Depuis la loi Kouchner du 4 mars 2002 (loi relative aux droits des malades), chaque établissement est tenu d’apporter les explications nécessaires à la personne qui s’estime victime d’un dommage lié à sa prise en charge : « Toute personne victime ou s’estimant victime d’un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins ou ses ayants droit, si la personne est décédée, ou le cas échéant, son représentant légal, doit être informé par le professionnel, l’établissement de santé, les services de santé ou l’organisme concerné sur les circonstances ou les causes de ce dommage. » Si l’idée n’est pas nouvelle, dans les faits, elle a mis du temps à entrer dans les mœurs hospitalières : « On a longtemps été dans le régime de la sanction à l’hôpital ; l’idée d’une faute, d’une erreur était donc mal vécue, explique Fabrice, cadre de santé à l’hôpital de Lens (Pas-de-Calais). Sans compter qu’annoncer à un patient qu’il a été victime d’une erreur au cours d’un soin est un moment compliqué pour les professionnels de santé. Même pour eux, c’est une charge émotionnelle. » Mais les mentalités et les pratiques évoluent : « Nous devons nous placer désormais dans une pédagogie de l’erreur, prendre en compte une posture bienveillante, sans a priori face à la survenue de certains événements. On apprend en se trompant », a estimé Jean-Jacques Coiplet, alors directeur de l’Agence régionale de santé de Corse lors du colloque sur les événements indésirables liés aux soins.
Fait nouveau, un décret paru le 25 novembre 2016 (décret n° 2016-1606) indique que « tout professionnel de santé quels que soient son lieu et son mode d’exercice ou tout représentant légal d’établissement de santé, d’établissement ou de service médico-social ou la personne qu’il a désignée à cet effet, qui constate un événement indésirable grave associé à des soins doit le déclarer au directeur général de l’agence régionale de santé ». Et de poursuivre que « cette déclaration est faite dans des conditions qui garantissent l’anonymat du ou des patients et des professionnels concernés à l’exception du déclarant. Le formulaire ne comporte notamment ni les noms et prénoms des patients, ni leur adresse, ni leur date de naissance, ni les noms et prénoms des professionnels ayant participé à leur prise en charge ».
Ces données sont importantes car elles intiment les professionnels de santé à déclarer en dépassant la théorie du bouc-émissaire. « Cette déclaration se fera en deux temps, via les structures générales d’appui aux soins, explique Jean-Jacques Coiplet : d’une part, via une déclaration immédiate anonymisée pour expliquer les faits, d’autre part, trois mois plus tard, via un formulaire plus détaillé. » Ce dernier devrait mettre en place au sein des établissements des plans d’action face à l’erreur.
Les professionnels de santé doivent se préparer, au cours de leur carrière, à faire face à un aléa thérapeutique et à devoir l’annoncer à un patient. Il doit pour cela se former, et cette formation doit absolument prendre en compte deux paramètres : la communication avec le patient à la suite du dommage mais aussi la reconnaissance et la gestion de leurs propres émotions. Au sein d’un établissement de santé, ils doivent être accompagnés par l’institution qui doit promouvoir la démarche (par exemple avec une inscription dans le livret d’accueil). Un préalable indispensable.
La Haute Autorité de santé a publié avec le Lien en mars 2011 un guide à destination des professionnels de santé sur l’annonce d’un dommage lié aux soins (lire l’encadré ci-contre). « Ce guide met en exergue l’humain dans la relation soignant-soigné, estime Fabrice, cadre de santé à Lens. Il permet également de favoriser la mise en place d’une culture sécurité », qui ne met pas seulement en avant la prévention mais aussi l’après, et exacerbe la culture de la transparence et de l’apprentissage par l’erreur. Car si ce guide sert au patient pour obtenir une réponse à ses interrogations, il a également été pensé pour permettre aux professionnels de santé de trouver des pistes afin de mettre en place ce difficile travail d’annonce. Le guide participe également à une amélioration constante de la qualité des soins.
C’est aussi un outil qui permet de gagner du temps et de l’argent, la crainte de la judiciarisation étant celle qui dissuade le plus souvent un professionnel de santé d’aller jusqu’au bout de la démarche d’annonce. Pourtant, explique le guide, « plusieurs études montrent que les patients ont tendance à porter plainte en dernier recours lorsque professionnels et institutions ne répondent pas ou répondent mal à leurs attentes et non pas parce qu’une erreur a été commise ». « À l’opposé, une absence de communication ou une communication maladroite conduira le patient à rechercher les informations manquantes auprès d’une tierce partie, en l’occurrence un médiateur ou un juge. » En un mot, une communication bien menée, selon certains principes, diminue fortement le risque de procès. Une approche à s’approprier pour mieux apprendre de ses erreurs et progresser dans sa relation avec le patient.
*À consulter via le lien raccourci bit.ly/2lkp08d.
Il s’agit d’un événement indésirable survenu au décours d’un soin, réalisé lors d’investigations, de traitements, d’actes médicaux à visée esthétique ou d’actions de prévention. Inattendu au regard de l’état de santé et de la pathologie de la personne, il peut avoir des conséquences graves comme la survenue probable d’un déficit fonctionnel permanent, la mise en jeu du pronostic vital, voire le décès.
Selon le guide
→ Qui ? C’est le professionnel qui a délivré les soins, seul ou avec son équipe.
→ Quand ? Le plus vite possible, dans les 24 heures suivant la survenue ou la découverte du dommage ou dans les quinze jours légaux.
→ Quoi ? Expliquer les faits, les causes, les conséquences pour le patient et lui exprimer un soutien médical, psychologique, social ou spirituel.
→ Comment ? Sincérité, empathie, écoute sont les maîtres-mots du dispositif d’annonce. Excuses et regrets sont indissociables du processus.
→ Où ? Dans un endroit calme.
L’entretien est consigné dans le dossier médical.
* À consulter via le lien raccourci bit.ly/1SYapbG.