Objectif Soins n° 268 du 01/04/2019

 

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Claire Pourprix  

Interview

Cadre de santé formatrice, Nicole Tanda a récemment soutenu sa thèse de doctorat en sciences infirmières et obtenu le titre de PhD (Philosophiæ doctor) en sciences infirmières de l'Université de Montréal. Une avancée significative pour la profession infirmière française et un exemple inspirant pour les futures générations.

Nicole Tanda-Soyer a débuté dans la profession comme infirmière puéricultrice, qu'elle a exercée de 1990 à 2001. Rapidement, elle a occupé des fonctions de cadre dans des IFSI et de coordinatrice d'une école de puériculture. Après un passage en service de pédiatrie néonatalogie de 2015 à 2018, elle est depuis cadre en IFSI. La recherche ? Elle y pensait depuis longtemps ! De 2013 à 2015, alors co-responsable du Master « encadrement dans le secteur sanitaire et social » à Aix-Marseille Université, en partenariat avec l'IFCS d'Aix-en-Provence, elle a ainsi occupé un poste d'attachée temporaire d'enseignement et de recherche au Département de sciences infirmières de l'Université d'Aix-Marseille. Parallèlement, au niveau de la DGOS, elle a été experte puis rapporteur au processus de sélection des dossiers d'appel à projet relatif au Programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale (PHRIP). Elle a toujours mené de front parcours professionnel et études : elle était déjà détentrice d'un titre d'ingénieur maître en ingénierie de la santé option recherche clinique (Université Paris XII) et d'un Master 2 recherche en éducation et en formation (Aix-Marseille Université)... avant de faire le grand saut et de s'inscrire à l'Université de Montréal en 2013. Pour décrocher, au terme de cinq années d'études, le titre de PhD en sciences infirmières, en décembre 2018.

« Je me suis toujours inscrite dans la dynamique d'approfondir mes connaissances dans le domaine de la recherche », explique Nicole Tanda-Soyer, d'ailleurs co-auteur en 2015 de l'ouvrage « Initiation à la démarche de recherche et traitement de données » aux éditions Vuibert. Le doctorat en sciences infirmières étant inexistant en France, c'est vers l'Université de Montréal, au Canada, qu'elle s'est tournée. « L'Université de Montréal m'a permis de bénéficier d'un accompagnement exceptionnel et d'une expertise en sciences infirmières », précise la jeune chercheuse. De fait, après plusieurs mois de présence au Canada, Nicole Tanda-Soyer a suivi le reste de sa formation en visio-conférences ou par Skype, et a ainsi effectué son 3e cycle tout en exerçant en France.

Le processus réflexif de l'étudiant infirmier

Le sujet de sa thèse ? « La description du processus réflexif de l'étudiant en soins infirmiers de premier cycle, à partir de l'expérience de la réalisation du travail d'initiation à la démarche de recherche. » « Il s'agit de la première étude sur le sujet, ajoute-t-elle. J'ai effectué ma recherche en France, en rencontrant des étudiants en soins infirmiers de plusieurs IFSI. Cette thèse, inscrite dans une dynamique partenariale de recherche internationale, est à entrevoir comme une modeste contribution à l'avancée de l'universitarisation et à l'avènement des sciences infirmières en France. »

Pour mener à bien ce travail, Nicole Tanda-Soyer a suivi de nombreux cours inédits comme l'analyse critique de concept, la philosophie des sciences infirmières, la science de la formation infirmière et a participé à des colloques en lien avec les sciences infirmières, parcours ponctué d'évaluations permettant de valider les travaux et de continuer, ou le cas échéant d'être stoppée dans le cursus. « En France, nous nous appuyons encore dans de nombreux IFSI sur la théorie des soins infirmiers de Virginia Henderson, qui date de 1955. Or il en existe bien d'autres bien plus récentes et plus en adéquation avec le contexte socio-sanitaire actuel ! J'ai pris conscience de notre retard et de l'écart entre la France et l'international... »

Impulser la recherche infirmière

Pour l'heure, Nicole Tanda-Soyer est entrée en phase d'écriture d'articles de recherche dans des revues scientifiques pour partager ces résultats de recherche. « Je souhaite utiliser mon expérience et ce doctorat au bénéfice de la profession, avec l'envie de la faire évoluer et d'inciter les personnes tentées par l'expérience de la recherche en sciences infirmières à franchir le pas. »

Elle est motivée par l'importance de promouvoir la recherche en sciences infirmières en France. « Pendant 5 ans, j'ai eu le nez dans le guidon pour mener de front la thèse et mon travail... et je ne me suis pas préoccupée de la suite ! A ce jour, ce diplôme ne m'ouvre pas d'opportunité professionnelle particulière en France. » Devenue membre du comité scientifique au niveau de la Conférence de Victoria « Human Caring », elle souhaite continuer à travailler en coopération avec l'Université de Montréal et ambitionne de devenir chercheur international. Nicole Tanda-Soyer est aussi ouverte à toute proposition partenariale avec une université française inscrite dans le développement des sciences infirmières.

« Au Canada, la formation infirmière de 1er cycle n'est pas dispensée par des médecins, mais par des infirmières diplômées d'une maitrise ou d'un doctorat qui enseignent à leurs pairs. Les facultés de sciences infirmières, de médecine et de pharmacie sont distinctes, avec des temps de regroupement car le modèle part du principe que ces professions seront amenées à travailler ensemble, explique-t-elle. Est-ce que ce modèle est transférable en France ? Je ne sais pas, mais l'universitarisation en cours est sûrement le bon moment pour se poser ces questions... Nous avons un vrai besoin d'émancipation et d'émergence d'un leadership de la profession infirmière en France. »

.Le chaleureux accueil reçu de la part de ses étudiants lorsqu'ils ont appris l'obtention de son diplôme est encourageant. « Ils ont souhaité échanger sur mon parcours et se sont montrés vivement intéressés par le sujet de la recherche ! C'est un premier pas, à eux de poursuivre car ils sont porteurs de la profession en devenir. »