« Le toucher diminue le stress du soignant et facilite la communication soignant/soigné »

Espaceinfirmier.fr : Racontez-nous la genèse de votre collaboration…

Pascal Prayez et Joël Savatofski : Nous nous sommes rencontrés à l’université avant-gardiste Paris-8, alors qu’elle était encore à Vincennes, tous deux insatisfaits de l’approche trop réductrice des études médicales ou paramédicales. Il n’y a pas le corps d’un côté et la tête de l’autre ! C’est ainsi qu’est né notre travail commun autour du « Toucher apprivoisé ». Depuis, notre dialogue a continué…

Votre livre est un véritable plaidoyer pour le toucher dans le cadre des soins. Ce geste du Toucher-massage® est-il à ce point absent des protocoles de soins ?

Le toucher n’est jamais absent du soin, puisque les gestes quotidiens des professionnels de santé s’adressent au corps : le problème est de savoir comment on touche. Notre livre invite tout d’abord à prendre en compte la dimension relationnelle du contact corporel − ce qui est déjà une première étape indispensable. Ensuite, avec tact en fonction des circonstances, nous invitons les soignants à acquérir des gestes de base du Toucher-massage® pour qu’ils fassent partie du prendre soin.

En quelques mots, quels sont les bienfaits psychologiques du Toucher-massage® pour un patient ?

Ils sont nombreux ! C’est un outil d’accompagnement accessible à tous, permettant de mieux vivre l’hospitalisation, mieux accepter sa maladie, ses souffrances, sa solitude, mieux supporter les traitements. Il permet tout autant d’apaiser la douleur, d’améliorer le sommeil, que de lutter contre la constipation, etc… Bref le Toucher-massage® est toujours d’un grand (ré)confort pour le patient.
Mais ce n’est pas tout ! En facilitant l'application des soins délicats, en améliorant le confort et le bien-être immédiat du malade, cette pratique diminue le stress du soignant, permet une gestion émotionnelle plus harmonieuse et facilite la communication soignant/soigné.

Comment, pour un soignant, voire toute une équipe, apprivoiser ce geste et cette relation qui peuvent sembler peu spontanés ?

Ces gestes sont sans doute plus spontanés qu’on ne le croit, mais il y a un « prêt-à-porter défensif » du milieu hospitalier (ou médico-social) qui inhibe les gestes de douceur et freine le développement d’un savoir-faire plus ou moins intuitif… Beaucoup de soignants ne font pas assez confiance en leur potentiel, ils n’osent pas mettre en œuvre des gestes simples mais bénéfiques. Pour libérer cette potentialité de contacts bienveillants, la voie royale est celle de la formation qui soutient, enseigne, libère toutes ces compétences relationnelles en attente d’être révélées.

Enfin, vous finissez le livre sur ce conseil : « Prenez soin de vous… pour mieux prendre soin des autres » et insistez sur les mots d’« éthique » et de « vie bonne ». Qu’entendez-vous par là ?

Cette formule fait référence au philosophe Paul Ricœur, pour qui l’éthique est au service d’un certain bonheur de vivre… Cela suppose bien sûr des droits et des devoirs, mais sans opposer altruisme et égoïsme. Donc pour réussir sa vie, il faut penser à soi, à son propre équilibre, et c’est ce qui nous aidera à être bien avec les autres. Prendre soin de soi, apprendre à recevoir, à s’accorder des temps de ressourcement y compris corporel, c’est vital si l’on veut durer dans la profession. Avoir de la bienveillance envers soi-même nous fait entrer sans effort dans une bienveillance joyeuse envers autrui.

Propos recueillis par Emmanuelle Lionnet

Le toucher apprivoisé, Éditions Lamarre, 4e édition, 2017

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