Jean-Philippe Charrat est cadre de santé, formateur en Ifsi (CH Forez).
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Entretien avec Jean-Philippe Charrat, auteur de Comprendre la psychopathologie de l'adulte et de l'enfant, qui revient pour nous sur la genèse de son ouvrage et sa volonté de rendre accessible au plus grand nombre, à commencer par les étudiants en soins infirmiers, les connaissances nécessaires pour mieux comprendre les troubles mentaux et la souffrance qu’ils engendrent chez la personne et/ou son entourage.
Espaceinfirmier.fr : Comment est né le projet de cet ouvrage ?
Jean-Philippe Charrat : L’enjeu est de faciliter l’acquisition de connaissances en psychopathologie chez les étudiants en soins infirmiers. Ils se posent des questions, souhaitent comprendre les mécanismes qui favorisent l’émergence de pathologies. En stage ou à l’Ifsi, leurs demandes consistent souvent en une recherche de sens sur le « pourquoi et le comment ». Ils sont interpellés par la diversité des approches du psychisme et de leurs contradictions apparentes : approche psychodynamique et neurosciences. Il n’y a pas de vérité définitive, mais une multitude de versions sur ce qu’est « une maladie mentale » et la manière dont on la soigne. Je présente ces différentes approches sous une forme synthétique et montre leur intérêt respectif.
Quelle a été la spécificité de votre approche pour cette aborder ce thème ?
Il est important que l’étudiant professionnalise son langage sur la question du psychisme, pour affiner ses comptes rendus d’observations et collaborer plus efficacement avec les psychiatres. La plupart des livres existants étaient soit déroutant de complexité, soit énuméraient des signes cliniques sans évoquer les mécanismes sous-jacents de la maladie mentale. Cet ouvrage effectue la synthèse des connaissances fondamentales et explicite les liens afin que les étudiants disposent de bases solides pour réussir leurs études et évoluer dans leur profession. C’est une « vulgarisation » des savoirs élaborée sous formes de chapitres brefs et illustrés de tableaux cliniques.
Comment accompagner les étudiants dans leur appréhension face à des patients souffrants de pathologies psychiques ?
Le malade mental nous restitue la fragilité de notre condition de sujet. Ses failles nous renvoient aux césures imprimées dans notre histoire personnelle. Il n’y a pas de personne absolument indemne. Cette constatation est une épreuve de réalité pour l’apprenti soignant, qui est déstabilisante et nécessite de la prudence dans le choix des mots pour expliquer la maladie. L’étrangeté du patient est une autre source d’appréhension, surtout le psychotique. À cela s’ajoute le fantasme de violence véhiculée par l’opinion commune. Or, cela ne correspond pas du tout à une réalité objective et il est important d’être clair là-dessus. Les connaissances cliniques présentent dans ce livre sont là pour redonner de la forme, pour éclairer les zones d’ombre et affirmer une certaine logique soignante.
Comment aider les futurs infirmiers à aborder les pathologies spécifiques de l’enfant et de l’adolescent ?
Il est indispensable de comprendre « ce qu’est » un enfant et un adolescent, comment se structure la personnalité au cours de ces âges de vie. Un enfant a des besoins spécifiques, affectifs en particulier. Il ne faut pas se montrer catégorique : certaines pathologies ne sont pas liées à des perturbations affectives environnementales, mais peuvent avoir un impact sur la capacité affective de l’enfant. Pour aborder les pathologies de l’enfant et de l’adolescent, il faut dresser des tableaux cliniques, mais inviter l’apprenant à relativiser la portée de ces savoirs. Il s’agit de connaître les fondamentaux et d’acquérir une certaine souplesse dans l’approche clinique ; celle-ci nécessite de considérer l’enfant comme un être en devenir. L’étudiant devra être prudent et ne pas sur-analyser : toute crise de l’enfance et de l’adolescence ne correspond pas à une pathologie. Cet ouvrage permet de faire le point sur ces aspects.
Quelles sont les motivations des étudiants qui s’orientent vers une spécialisation dans les services de soins psychiatriques ?
Les étudiants choisissant de s’orienter vers cette discipline sont souvent animés par une grande curiosité intellectuelle et une profonde humanité dans leur façon de considérer l’autre. C’est une discipline dans laquelle ils identifient une créativité, un investissement du rôle propre infirmier, un espace de soin relationnel important, la certitude de se poser de nombreuses questions et de pouvoir bénéficier de formations en lien avec les médiations thérapeutiques. Ils évoquent souvent la richesse d’un travail en pluri-professionnalité, d’une prise en charge globale et d’un sentiment d’apprentissage continuel. Je partage entièrement leurs points de vue.
Propos recueillis par Jérémie Salinger
Comprendre la psychopathologie de l'adulte et de l'enfant, Éditions Lamarre, mars 2017.