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Parce que les situations de soins et les choix à faire sont de plus en plus complexes, Marie-Claude Daydé, Alain Derniaux, Nathalie Favre et Sigolène Gautier viennent de signer l'ouvrage « L'interdisciplinarité en pratique ». Les auteurs de ce guide, tous de métiers différents, livrent les clés et les moyens à mobiliser pour la mise en place au long cours de cette démarche.
Les auteurs : Les expériences professionnelles de chacun et le partage de celles-ci nous ont convaincus de la pertinence de l’interdisciplinarité dans certaines situations de soins. Par ailleurs, le peu d’ouvrages sur le sujet et les impacts positifs de l’interdisciplinarité sur l’épanouissement professionnel nous ont persuadés de la nécessité d’en parler pour en diffuser les principes.
L’objectif principal de l’ouvrage est d’aider d’autres professionnels à mettre en pratique ce mode d’action. Un des éléments clés repose sur le constat – croissant – de la complexité d’un très grand nombre de situations cliniques et des limites de chaque profession prise isolément pour les aborder.
Il est important de développer l’écoute des autres mais aussi d’apprendre à se positionner et à communiquer à partir de sa propre expertise, en argumentant sa pratique et ses réflexions. Un des objectifs de la formation est d’en faire ressentir l’intérêt, car l’interdisciplinarité n’est pas un but en soi mais un mode d’action pour améliorer la prise en charge des patients et les prises de décision difficiles.
L’interdisciplinarité doit, par ailleurs, être commune aux participants et aux formateurs. Enseigner l’interdisciplinarité, c’est l’expérimenter concrètement.
L’interdisciplinarité « mise en œuvre » doit être transcrite dans le dossier de soin comme une preuve de vie d’équipe et de réflexions partagées. La traçabilité est le moyen par lequel tous les intervenants, concernés par la situation, seront informés du cheminement qui a mené aux décisions. « Rendre compte par écrit » permet également de mettre en valeur les différentes compétences en présence. C’est aussi apprendre ensemble à synthétiser et à formuler les éléments utiles et nécessaires à la prise en soins des personnes, en utilisant des dispositifs d’échanges sécurisés (entre la ville et l’hôpital par exemple) et des supports de communication adaptés entre les différents professionnels.
L’interdisciplinarité permet, en effet, de décloisonner la ville (le domicile au sens large) et l’hôpital, mais aussi le médical et le social. Les dispositifs tels que les CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé) en train d’émerger ou les maisons de santé qui organisent déjà des RCP (réunions de concertation pluridisciplinaires) sont de bons leviers à la faveur du décloisonnement. Les CPTS, notamment, concernent les soins de premier et deuxième recours et vont permettre des temps de concertation et de coordination reconnus.
En parallèle de ces agencements formalisés innovants et au-delà de la recherche d’un décloisonnement ville/hôpital, l’interdisciplinarité est à voir comme un outil de bon sens pratique pour relayer et assurer la continuité cohérente des parcours de soins des patients. Force est de constater que lorsque l’interdisciplinarité devient une pratique culturelle dans une équipe, elle ouvre spontanément vers des initiatives locales portées par des acteurs relais (par exemple les équipes mobiles) s’attachant à transmettre aux professionnels d’aval les objectifs de soins poursuivis.
Comme nous l’expliquons dans l’ouvrage, la mise en œuvre de l’interdisciplinarité ne peut pas reposer sur une seule personne. Elle peut être en effet initiée ou en tous les cas validée et portée par l’encadrement mais l’idée est que chaque professionnel se l’approprie et la mobilise quand il rencontre des situations difficiles. Il s’agit là d’une culture commune, d’un consentement mutuel et d’une responsabilité partagée pour éviter que l’interdisciplinarité ne devienne un concept « personne dépendant » qui ne se met en place qu’en présence d’unetelle ou d’untel. Le coordinateur des soins reste malgré tout le garant du bon fonctionnement de ce mode d’action, responsable de la continuité et de la cohérence de la prise en charge du patient et de ses proches.
S’il a un « rôle », c’est celui qui consiste à être (et à rester) au centre des préoccupations et des décisions qui le concernent. L’interdisciplinarité n’existe et n’a de sens que si elle est à son service. L’écoute et l’observation de la personne malade et de ses proches, les échanges entre les différentes disciplines qui interviennent sont à la source du développement des compétences professionnelles de chacun dans un cercle vertueux visant la meilleure qualité des soins possibles pour le patient. C’est bien le malade qui nous apprend la maladie. Son rôle est de témoigner de ce qu’il vit avec sa maladie, pour éclairer les professionnels sur les difficultés qu’il a pu résoudre et celles non résolues où il a besoin d’aide.
Marie-Claude Daydé, Alain Derniaux, Nathalie Favre, Sigolène Gautier, L'interdisciplinarité en pratique, 2019, 112 p., 22,50 euros.