« Le religieux est un phénomène culturel comme un autre » | Espace Infirmier
 

26/11/2020

« Le religieux est un phénomène culturel comme un autre »

Dans leur ouvrage « Soin, laïcité, religion et spiritualité », Marc Grassin, Pascale Wanquet-Thibault et Daniel Maroudy ont à cœur de faire évoluer les connaissances sur la laïcité, la spiritualité et les religions pour une prise en charge globale des patients, dans le respect de leurs croyances.

Espace infirmier Dites-nous, en quelques mots, quelles sont les grandes étapes de vos parcours professionnels, ce qui a motivé et guidé vos choix.

Marc Grassin (M. G.) : Je suis pharmacien de formation et mon parcours de philosophie m’a conduit vers les questions d’éthique médicale. Mes recherches ont porté sur les décisions de fin de vie en réanimation néonatale mais aussi en réanimation pédiatrique et adulte. La question de la mort dans ces contextes nous introduit au cœur de l’éthique et nous ramène à l’essentiel.

Pascale Wanquet-Thibault (P. W.-T.) : Infirmière puéricultrice, cadre supérieur de santé, j’ai alterné tout au long de ma carrière exercice clinique et activités pédagogiques. J’ai exercé en milieu institutionnel auprès d’enfants gravement malades et/ou porteurs de handicaps. Dans ces contextes, j’ai également beaucoup travaillé à l’accompagnement des familles. La question prégnante de la mort dans ces lieux de soins m’a amenée à me questionner sur le sens de la vie, les rites, la spiritualité. Dans la pratique quotidienne, j’ai constaté l’importance du respect des rituels religieux mais aussi profanes dans l’accompagnement des familles par la communauté d’appartenance, pendant la maladie et lors du décès des enfants. J’ai aussi observé l’appel du religieux et du spirituel, chez les enfants eux-mêmes, parfois très jeunes. Ces partages m’ont amenée à me former sur ces questions.

Daniel Maroudy (D. M.) : Infirmier diplômé d’état puis spécialisé en anesthésie, j’ai exercé ensuite les fonctions de cadre et de cadre supérieur en anesthésie réanimation dans deux hôpitaux de l’AP-HP. L’économie de la santé, les transplantations d’organes et l’éthique en pratique soignante se sont inscrites dans ce parcours autant par goût que par nécessité et m’ont conduit notamment à des formations (Master, DEA). Des apports qui ont sans doute ajouté aussi à mes fonctions de coordinateur hospitalier de don et de prélèvements d’organes durant vingt-quatre ans comme cadre de santé. Les cinq dernières années de ma carrière dans le secteur public se sont déroulées à l’Agence de la biomédecine comme coordinateur national d’un programme de recensement des donneurs potentiels d’organes et chargé de projet d’enseignement notamment en coopération avec le Maghreb.

Quels événements, circonstances ou témoignages ont motivé la rédaction de cet ouvrage ?

P. W.-T. : Les questionnements des étudiants et des professionnels rencontrés en formation ont été moteurs. Les échanges avec les co-auteurs en raison de leurs connaissances approfondies de la question de la laïcité d’une part, de la spiritualité et des religions d’autre part, ce qui nous a dans un premier temps amenés à mettre en place une formation sur ces thématiques. Puis la nécessité de faire évoluer les débats et les connaissances vers plus de sérénité grâce au développement d’un positionnement professionnel adapté. Enfin, la nécessité de faire connaître aux professionnels de santé français, empreints de la culture « laïque », l’intérêt pour les patients et leur entourage d’intégrer tous les éléments en lien avec le religieux et le spirituel dans l’approche soignante, et particulièrement les nombreuses études réalisées dans d’autres pays.

M. G. : Le fait religieux est un élément culturel parmi d’autres. Il ne peut pas ne pas être pris en considération dans le vécu des patients. Le soin porte attention à ce que sont et ce que vivent les personnes afin que la maladie puisse être intégrée dans l’économie de la vie des patients. Le fait religieux est un phénomène complexe, hétérogène et source de nombreuses émotions et malentendus. En tant que directeur de l’Institut Vaugirard Humanités et Management, j’ai été amené à m’intéresser au management du fait religieux en entreprise. Comment accompagner et gérer les demandes et les conflits dans le cadre philosophique et juridique de la laïcité à la française ? C’était passionnant de permettre de mieux comprendre et de lever les contre-sens tant sur le religieux que sur la laïcité pour apaiser les relations au sein de l’entreprise. D’autre part, j’ai longtemps dirigé à l’agence de la biomédecine une formation « deuil, rites et communauté » destinée aux soignants qui accompagnent les familles dans le cadre du prélèvement d’organes. La place du religieux, dans le rapport à la mort, au corps, à la relation entre les morts et les vivants est essentielle.

D. M. : Le sujet de la religion et du religieux a très précocement nourri ma réflexion et interrogé mon attitude et mon comportement de soignant, souvent embarrassé et en quête d’appuis, face au malade religieux que j’avais en soin. Mon intérêt pour la question s’est progressivement accroché et élargit notamment à la compréhension des textes, discours et position des religions et des religieux sur les questions sensibles relatives au don, aux prélèvements et aux transplantations d’organes. Stimulé par des demandes de soignants, j’ai contribué à la mise en place et à la réalisation d’un enseignement sur ce sujet et durant de nombreuses années. L’écriture de l’ouvrage est le produit d’une collaboration, d’une rencontre de sensibilité et d’une réflexion partagées avec mes co-auteurs.

Si vous deviez résumer, en quelques phrases clés, les grands principes ou la posture à adopter par les soignants face à la difficulté de concilier soin, laïcité, religion et spiritualité, que diriez-vous ?

La liberté pour un patient d’exprimer ses croyances ou ses non croyances est un droit fondamental que tout soignant doit intégrer dans le projet de soin.
Le religieux est un phénomène culturel comme un autre.
La laïcité permet de gérer les tensions dans un cadre juridique précis.
Ne pas avoir peur, dialoguer et s’adapter.
Écoute, compréhension, adaptabilité, et surtout formation (par la lecture, les échanges, l’apprentissage du respect du choix d’autrui).

À découvrir

Toutes nos formations pour les professionnels de santé.

- Gestes & soins d'urgence
- Douleurs
- Management
- Droit & éthique
- SST
- Santé mentale & handicap


Télécharger le catalogue
Feuilleter le catalogue