Philippe Walker : « Nous avons voulu rendre accessible à tous le questionnement éthique du soin éducatif du malade chronique » | Espace Infirmier
 

05/05/2021

Philippe Walker : « Nous avons voulu rendre accessible à tous le questionnement éthique du soin éducatif du malade chronique »

Espace infirmier : Dans cet ouvrage, qui aborde l’éducation thérapeutique du patient de façon tout à fait originale, vous faites dialoguer patient, soignante et philosophe. Comment est née l’idée d’une telle approche ?

Philippe Walker : L’idée d’origine était d’aider les soignants qui s’intéressent à l’ETP à découvrir l’aventure relationnelle de la démarche éducative, en évitant ses pièges. La réflexion éthique peut et doit servir de boussole pour adapter notre relation avec le patient. L’ETP est un acte de soin qui, selon l’HAS, est un ensemble cohérent d’actions et de pratiques mises en œuvre pour participer au rétablissement ou à l’entretien de la santé d’une personne. Mais qu’est-ce que la santé pour ce patient ? Qu’est-ce que la santé pour moi, soignant ? Qu’est-ce que la santé quand soignant, je deviens aussi patient, ou quand patient, je deviens aussi soignant ?

La réflexion philosophique nourrit le questionnement éthique. Elle m’a beaucoup aidé dans la pratique et l’encadrement d’équipes. Laurence Chambenois(1), avec sa longue et riche expérience de soignante et ses talents graphiques, a accepté de m’aider. Il nous fallait montrer comment un dialogue constructif avec soi-même et avec les patients permet de réduire les difficultés relationnelles du soin dans des situations habituelles. Il nous fallait aussi illustrer les compétences requises pour pratiquer et coordonner l’ETP.

Nous avons voulu rendre accessibles à tous, soignants apprentis, débutants ou expérimentés, formateurs, professionnels de santé ou patients « intervenants », le questionnement éthique du soin éducatif du malade chronique. Notre méthode : de courts dialogues illustrés, inspirés de la pratique de soins éducatifs, entre un soignant, un patient et un philosophe.

Après plus d’une année sous tension hospitalière et sociétale, quelles conséquences – positives ou négatives – avez-vous observé sur l’éducation thérapeutique du point de vue des soignants et des patients ?

Lors de la première vague Covid, Mme B., souffrant d’obésité, a dû se confiner dans un logement insalubre et a perdu toute mobilité, et a aggravé sa dépression antérieure par la suppression des liens sociaux. Elle est arrivée aux urgences, grabataire à 50 ans. Il nous a fallu deux mois d’hospitalisation pour équilibrer un diabète découvert, cicatriser des ulcères de stase, appareiller un syndrome d’apnée du sommeil, réduire son état dépressif, l’aider à se verticaliser. Elle a retrouvé une mobilité qui lui a permis d’aller en SSR, puis d’habiter en Ehpad. Elle a perdu 30 kg. Elle est satisfaite de sa vie et profite de chaque consultation pour saluer l’équipe.

Nos patients obèses ou diabétiques ont été à la fois les principales victimes de la Covid, et ont subi les déprogrammations d’hospitalisation avec les soins d’ETP. Par peur de se rapprocher de la Covid, beaucoup se sont retranchés dans un confinement générateur d’angoisse, de mal-être et de difficultés à maintenir le traitement de leur(s) maladie(s). Mais pour quelques-uns, cela a aussi été l’occasion de se recentrer sur eux, de profiter de leur habitat rural et de développer de nouvelles activités.

Pour les soignants à l’hôpital, les injonctions paradoxales de déprogrammer et de ne pas oublier les malades chroniques ont créé une ambiguïté engageant les responsabilités personnelles des décideurs et des agents. Les patients sont arrivés dans des états plus complexes. Le retard accumulé par les déprogrammations a accentué l’épuisement des équipes déjà malmenées par la pandémie sur le plan personnel et professionnel. Mais cette tension extrême qui a permis de révéler la fragilité de notre système de santé a aussi permis aussi de le faire évoluer. Cela a permis de comprendre qu’une maladie chronique mal soignée s’exprime par des épisodes aigus délétères pour les patients et les services d’urgence. Les téléconsultations ont connu un développement fulgurant. Elles sont toujours utilisées, mais nous avons découvert leurs avantages et leurs limites.

L’ETP à l’Association Caramel s’en est mieux sortie grâce au dialogue efficace et participatif, mené par la coordination régionale de l’ETP Centre-Val-de-Loire. Ainsi, les acteurs de l’ETP ambulatoire ont pu rapidement s’adapter en concertation, élaborer des outils d’organisation et mettre en œuvre des mesures permettant de maintenir le lien avec nos patients désemparés, par téléphone, par visioconférence, en consultation individuelle présentielle ou en ateliers par petits groupes dans un environnement sécurisé.

La Covid me paraît être un agent révélateur et transformateur de chacun, de nos institutions et de l’ETP dont il nous faudra tirer les leçons pour la vie d’après.

Si nous devions imaginer une suite aux aventures de Jack, Charlotte et Théodule, quelle serait-elle ? Que pourrions-nous leur souhaiter pour l’avenir ?

Partons de la richesse de notre pratique et explorons ensemble les valeurs à partager. L’aventure de panser ensemble continue… La santé n’est pas un état mais un mouvement, une recherche créative d’équilibre dans la vie de chacun, soigné comme soignant. Suivons les aventures de Charlotte, Jack et Théodule, à la découverte d’une santé dynamique où Jack prend de plus en plus de place dans l’organisation de son offre de soins.

1. Illustratrice de l’ouvrage, aide-soignante certifiée en art-thérapie.

Feuilletez un extrait de l’ouvrage.

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Les dernières réactions

  • 17/05/2022 à 20:55
    Elena Sanchez
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