Quand la musique est bonne… la santé peut être meilleure. Démonstration en a été faite lors d’un colloque à la Sacem, le 11 février, à Paris.
La musique est un cri qui vient de l’intérieur. Elle est aussi « une symphonie neuronale, décrit Emmanuel Bigand, violoncelliste et professeur de psychologie cognitive. Elle facilite la synchronisation des différentes zones du cerveau, ce qui crée des autoroutes d’informations. Cela peut modifier l’architecture neuronale». L’influence de la musique sur la santé commence à être connue, avec l’essor de l’imagerie cérébrale et de la pluridisciplinarité (neurophysiologie, biologie, sociologie, etc.).
Certaines anecdotes sont spectaculaires. Citons ces patients frappés d’aphasie, qui ne parlent plus mais chantent ; cette réduction, par l’apprentissage du piano, de troubles moteurs induits par des lésions cérébrales ; ou encore ce patient dont la sortie de coma est attribuée au passage à la radio de Satisfaction, des Rolling Stones – l’un de ses morceaux fétiches. Ce qui se rapproche de ce souvenir de Christine Bourdier, cadre supérieure de santé et chargée de mission à l’AP-HP : infirmière, à 20 ans, elle et un collègue avaient diffusé U2 et Mozart à un patient dans le coma. Revenu à lui, il les avait remerciés pour ce « lien avec la vie ».
« Présomption de compétences »
La pratique ou l’apprentissage de la musique constituent aussi un atout contre la douleur, l’anxiété, les maladies neurodégénératives… « Les malades d’Alzheimer ne sont pas des “coquilles vides” au niveau de la mémoire : une facette de la mémoire continue à fonctionner», indique Hervé Platel, professeur de neuropsychologie, évoquant l’apprentissage de chants nouveaux (1).
Autre bienfait : dans un contexte musical, un regard plus positif est posé sur les patients. « Lister les incapacités, on sait très bien faire, en médecine, ironise France Mourey, maître de conférences en gérontologie. Mais, dans le milieu artistique, c’est différent, il y a une présomption de compétences. » Portée par la musique, une personne âgée, même malade, peut être capable de danser, par exemple.
Dans les établissements, près du quart des activités artistiques sont musicales
Les professionnels de santé peuvent accompagner les patients dans ce domaine. Pour autant, la musique ne fait pas partie de leurs habitudes. L’existence d’un programme dans un service dépend beaucoup de la présence d’un passionné de musique… Et ce, malgré les conventions « culture et santé » signées par les deux ministères concernés en 1999 et 2010. Dans les établissements sanitaires, 20 à 25 % des activités artistiques sont musicales. Faut-il préciser qu’aucun chiffre n’est donné pour le domicile ?
C’est que le soin par la musique n’est pas aisé, témoigne le compositeur et interprète Dédé Saint-Prix, intervenant auprès de patients (ci-dessus à l'Institut Gustave-Roussy, de Villejuif, en 2012). « Il faut être toujours prêt à réagir, inventif… même si on a préparé une liste de vingt titres. Et le faire avec humilité. » Seule cette « recherche permanente » du juste mode d’intervention musicale auprès des malades permet d’honorer au mieux cette « sorte d’intelligence extraordinaire du sensible, du sonore non linguistique » à laquelle, selon Emmanuel Bigand, fait appel la musique.
Mathieu Hautemulle
Photo: Association musique et santé
1- A voir, « Les allégros d’Alzheimer », dix vidéos sur le site de l’Inserm.