La Drees a recueilli l’avis de 1136 médecins généralistes sur les modalités d’une éventuelle coopération avec des IDE en médecine de premier recours.
Si les coopérations entre médecins généralistes et infirmiers ont été rendues possibles, en ville, par la loi HPST de 2009, ces pratiques restent peu développées, en raison, notamment, de possibilités de rémunération jusque-là très limitées (1). Pourtant, selon la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), « un tiers » des généralistes « seraient favorables à la délégation d’une ou plusieurs tâches à une infirmière qui serait rattachée à leur cabinet pour quelques permanences par semaine ».
Leur réticence varie avec le mode de rémunération du « délégué-infirmier », note la Drees, qui a soumis trois scénarii de financement : rémunération intégrale par l’assurance maladie, rémunération intégrale par le médecin ou rémunération mixte. Plus le scénario engage les revenus des médecins, moins ceux-ci sont enclins à déléguer, constate la Drees : plus de 60% y sont favorables quand l’assurance maladie finance intégralement, contre moins de 18% lorsqu’ils doivent financer l'infirmière.
Difficile de trouver une infirmière disponible
Les principaux freins au transfert de tâches sont, pour les deux tiers des médecins, la difficulté de trouver une infirmière disponible et le risque de voir leur responsabilité légale engagée. Les items « cela nuirait à la qualité des soins » et « mes patients n’y seraient pas disposés » arrivent en dernières positions. Six médecins sur dix considèrent même que l’intervention d’une IDE améliorerait la qualité de la prise en charge.
Sondés sur les tâches transférables (2), les médecins délègueraient plus volontiers celles qui ne relèvent pas de leurs compétences réglementaires : plus de 80% souhaitent transférer l’éducation thérapeutique du patient diabétique ou asthmatique, l’éducation nutritionnelle, la surveillance de la tension artérielle ou l’accompagnement à l’arrêt du tabac, contre seulement la moitié pour la prescription d’hémoglobine glyquée aux diabétiques et 35% pour la réalisation d’un frottis cervical.
Formation supplémentaire
Les réponses varient toutefois selon le profil des médecins. La Drees a identifié trois groupes parmi ceux qui ne sont pas totalement réfractaires à la délégation de tâches : le premier (près de la moitié des médecins), composé de praticiens relativement jeunes et exerçant plus souvent en milieu rural, est favorable à la délégation de pratiquement toutes les tâches abordées dans le questionnaire. Le deuxième, composé le plus souvent d’hommes exerçant en zone urbaine avec un faible volume d’activité (27%), est majoritairement défavorable au transfert de la plupart des tâches, en particulier celles qui requièrent une certaine technicité ou les prescriptions. Le troisième, composé d’urbains d’âge moyen exerçant plutôt en cabinets de groupe (25%), est très défavorable à la délégation de tâches de leur cœur de métier mais déléguerait volontiers le conseil éducatif ou la surveillance de la tension.
Dans tous les cas, 62% des praticiens estiment qu’une telle délégation devrait être confiée à des « infirmiers en soins primaires », bénéficiant d’une formation supplémentaire.
Cécile Almendros
1 – Jusqu’en janvier 2014, seuls certains fonds d’intervention des ARS pouvaient rémunérer ces coopérations: en instaurant la possibilité d’un financement national, l’article 35 de la loi de financement de la sécurité sociale 2014 lève cette difficulté juridique.
2 – Education thérapeutique ou prescription d’hémoglobine glyquée pour un patient diabétique, frottis, vaccination, éducation nutritionnelle, accompagnement pour l’arrêt du tabac, surveillance de la tension artérielle, réalisation de certains gestes techniques (électrocardiogramme, suture, etc.), tests TDR (diagnostic rapide de l’angine), tâches administratives, etc.