Prise de poids, augmentation du nombre d'erreurs, d'accidents du travail et de trajet… voici quelques-uns des effets secondaires de la journée de travail en 12 heures repérés par l’INRS.
C’est une mise une garde adressée au secteur de la santé : la journée de travail en 12 heures « ne devrait être adoptée que dans les cas d’absolue nécessité », prévient l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Des médecins du travail sont à l’initiative d’une étude (1), qui s’appuie à la fois sur une synthèse de la littérature française et anglosaxonne, et sur des observations de terrain. Il y est beaucoup question des personnels soignants, même si la journée en 12 heures se développe aussi dans l’industrie et dans le domaine de la sécurité.
Toutes les études le prouvent: les salariés plébiscitent la journée de travail en 12 heures pour mieux concilier vies familiale et professionnelle et réaliser des économies sur les frais de transports ou de garde d'enfants. Cette organisation du travail est aussi réputée limiter les risques d’erreurs « puisqu’elle ne nécessite que deux relèves par 24 heures », au lieu de trois.
Une « reprise » difficile
Mais, ces arguments de bon sens sont réfutés un à un par les médecins du travail. Pour que les bénéfices attendus par le salarié pendant son temps libre soient réels, il faudrait qu’il donne la priorité au repos. Or, il est bien souvent accaparé par sa vie sociale et familiale, et accepte même des charges supplémentaires (travail domestique, garde d’enfants). Autrement dit, l’arbitrage entre santé et disponibilité familiale se fait au détriment de la première.
Le bénéfice de la diminution des transmissions, qui limiterait le nombre d’erreurs, est lui aussi contesté par l’INRS, car se pose le problème de « la reprise en main » du travail après une longue pause.
Les journées en 12 heures sont aussi préjudiciables à la santé au travail. Le nombre d’accidents de trajet et de travail augmente. Chez les infirmières, les accidents exposant au sang (AES) sont plus nombreux à la fin de ces longues journées. Un risque accru de « conduite addictive » a également été mis en évidence. Les 12 heures favorisent aussi la prise de poids et les pathologies dorso-lombaires. Ces effets néfastes varient selon l’âge ou l’état de santé. Mais, la mise à l’écart des salariés âgés ou en mauvaise santé lors d’un passage en 12 heures pose aussi question.
Contre-indications
L'INRS contre-indique la journée de 12 heures en cas de « contraintes physiques importantes » ou de « charges mentales soutenues. Toutefois, si cette organisation du travail s’avère indispensable, l’institue avancent des « préconisations » : il faut respecter strictement les jours de repos, intégrer tous les temps de transmission dans la durée du travail ou encore supprimer les tâches trop complexes pendant les nuits en 12 heures.
Il y a là de quoi remettre en cause les récents et nombreux passages de services hospitaliers en 12 heures, justifiés non pas par des obligations de service, mais par des raisons économiques ou de convenance des salariés.
Caroline Coq-Chodorge
1- L. Weibel, D. Herbrecht, D. Imboden, L. Junker-Mois, B. Bannerot, "Organisation du travail en 2x12 h : les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs", in Référence en santé au travail, mars 2014.