Cancer chez l'adolescent : « Il faut sensibiliser les soignants »

Espaceinfirmier.fr : Comment est née votre démarche ?

Céline Le Bras : J’ai travaillé pendant six ans en service d’hématologie pédiatrique, longtemps comme infirmière de nuit. Le soir était propice à la discussion. Certains adolescents se confiaient sur leur état et leur ressenti face la maladie. Nous, soignants, ne leur proposions que la prise en charge de la douleur.

En 2011, j’ai souhaité devenir puéricultrice. Les jeunes patients que j’avais rencontrés ont nourri mon idée de mémoire de fin d’études. Je me suis attachée à connaître leurs besoins en termes d’accompagnement et de relation à l‘autre -dont les soignants, que ce soit dans le geste et dans l’écoute.

Espaceinfirmier.fr : A quels bouleversements sont confrontés les adolescents ?

C. L. : Un jeune qui subit une thérapie ou de la chirurgie endure des perturbations de son image corporelle : variation de poids, perte de cheveux, fatigue. Elles viennent s’ajouter aux transformations liées à la puberté, déjà éprouvantes. De plus, la prise en charge des adolescents, à l’hôpital, est d’autant plus fragile qu’ils se retrouvent souvent dans les unités pédiatriques. Entre deux âges, le corps est en équilibre précaire. Si l’adolescent vacille, la perte d’identité survient.

Espaceinfirmier.fr : Les jeunes patients formulent-ils des demandes particulières ?

C. L. : Ils constituent une population à part entière avec des besoins propres d’identification, d’appréhension de la vie sexuelle et de recherche de confiance en soi. Les filles aimeraient plus d’attentions physiques et de soins esthétiques, pour se retrouver avec leur corps. De manière générale, les jeunes veulent plus d’accompagnement, adapté à leur âge : ateliers d’écriture, groupes de paroles entre malades et rencontres avec de jeunes adultes.

Espaceinfirmier.fr : Comment l’équipe soignante peut-elle les aider ?

C. L.: En tant que soignant, nous devons faire en sorte que ces jeunes se sentent acteurs de leur parcours de soins. Les professionnels évoquent un accompagnement compliqué des adolescents, dû à un contact délicat ou à une méconnaissance des problématiques de l’âge. Certains se disent ne pas être à l’aise et ne laissent pas de place à l’adolescent pour s’exprimer. D’autres considèrent que ce n’est pas un problème majeur. Il est donc important de sensibiliser les soignants. Le CHU de Rennes étudie la mise en place d’une équipe mobile qui interviendrait partout où les adolescents seraient présents, au plus près de leur vie quotidienne.

Propos recueillis par Carole Tymen
Photo: DR

Les perturbations de l'image corporelle des adolescents atteints de cancer, mémoire de Céline Le Bras.