Les infirmières dans la Grande guerre - 2/4
La femme vêtue d’un blanc immaculé, contrastant avec la boue des tranchées et les horreurs qu’elle évoque, a marqué l’imaginaire collectif. Ce mythe cache la grande diversité sociale des infirmières de la guerre.
Au début du XXème siècle, les infirmières se répartissent entre catégories rivales. Les religieuses sont appréciées pour leur dévouement, mais raillées pour leur manque de connaissances et leur soumission au clergé. Celles qui travaillent dans des hôpitaux laïcisés, issues des classes populaires, sont soupçonnées de manquer d’éducation et de vertu. Aux infirmières formées dans les écoles privées, on reproche la pruderie et la supériorité propre à leur milieu traditionnel et favorisé.
Des mondaines aux costumes seyants
L’été 1914 voit apparaître un nouveau type d'infirmière: la mondaine. Dans une certaine société, la tenue de ville bleue de l’infirmière bénévole est du dernier cri. Le dramaturge Paul Géraldy s’amuse à croquer une amie, à laquelle il prête ces propos: « On se réunit de 5 à 7 et l’on travaille pour nos soldats. (...) M’avez-vous vue en infirmière ? ». En 1915, la revue Paris médical raille et dénonce « celles qui, en août dernier, encombraient les grands centres militaires, exhibaient dans les rues des costumes seyants et des mantes impeccables et qui, quand l’envahisseur s’est rapproché de Paris, se sont enfuies (...) en abandonnant un peu trop lâchement les hôpitaux où elles étalent leur dévouement ».
Si le personnage de la mondaine ne survivra pas plus de quelques mois dans les hôpitaux, les femmes de la haute société s’illustreront en finançant des équipements sanitaires. Certaines donnent de leur personne, comme la comtesse de l’Épinois, qui gagne le front à bord d’une « auto-chir » qu’elle a financée. Tombée malade, puis blessée, elle décède en héroïne de guerre, en 1917.
La duchesse d’Uzès, quant à elle, met à disposition son château de Bonnelles, en région parisienne, pour qu’il soit transformé en hôpital auxiliaire. Cette aristocrate n’hésite pas à s’acquitter des tâches les plus ingrates pour montrer l’exemple. Elle n’en oublie pas moins de s’assurer le poste de surveillante de l’hôpital improvisé dans ses murs.
Bénévoles contre salariées
Les femmes s’engageant dans la Croix-Rouge n’ont pas besoin de travailler. La cohabitation est parfois difficile avec les filles des hôpitaux laïques ou les infirmières militaires temporaires, dont le statut est créé en 1916. La rémunération que ces dernières reçoivent est vue par les bénévoles de la Croix-Rouge comme un manque de générosité et de hauteur de vue... À l’inverse, ces dames sont moquées pour leur amateurisme et leurs attitudes parfois trop guindées. Leur bonne volonté fera souvent oublier leurs petits défauts, comme pour cette actrice, du nom de Lola Noyr, qui témoigne : «Vite je me mets à la besogne, je suis des cours, je n’ai jamais étudié un rôle avec tant de ferveur que je n’étudiais les choses essentielles pour le pansement des blessés ».
Marie-Capucine Diss
Photos, de haut en bas:
- Carte photo montrant un important groupe de blessés, de religieuses et d'infirmières dans une salle d'hôpital. Historial de la Grande Guerre – Péronne (Somme) et © Yazid Medmoun.
-Gravure représentant la duchesse d'Uzès.
-La série anglaise Downton abbey met en scène une famille d'aristocrates accueillant les blessés en convalescence dans leur château.