Dans son rapport annuel sur la Sécurité sociale, rendu public le 17 septembre, la Cour des comptes se penche sur les dépenses de personnel des établissements publics, dont la maîtrise est jugée insuffisante. D’autant plus si l’on considère les 5,9 M de jours accumulés sur les CET…
Avec 41,7 milliards d’€ en 2012, les dépenses de personnel constituent le premier poste de charge des établissements publics de santé et le premier poste de dépenses pour l’assurance maladie. Leur maîtrise est donc liée à celle de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam). Or, si cela a été le cas de 2007 à 2012, la croissance des dépenses de personnel est repartie à la hausse en 2013 (+2,8%, + 0,4% de plus que l’Ondam hospitalier), pointe la Cour des comptes (1).
Dans le contexte d’une progression des effectifs accompagnant la hausse de l’activité hospitalière, le ralentissement global des dépenses de personnel ces dernières années (gel du point d’indice, départs en retraite) apparaît donc « fragile ». D’autant que, sans même parler des décisions nationales dont les effets s’imposent aux hôpitaux -comme le passage de la moitié des IDE en catégorie A, nombre de facteurs ne favorisent guère la maîtrise.
Des provisions insuffisantes?
En tête, les incertitudes entourant les comptes-épargne-temps (CET). Si, depuis 2008, les établissements ont annuellement abondé les provisions liées au CET de 150 millions d’€ environ (275M€ en 2012), rien ne permet d’apprécier le caractère suffisant de ces provisions (2). Auditionnée par une commission d’enquête parlementaire le 18 septembre, la Fédération hospitalière de France (FHF) a fait état de « 5,9 millions de jours » stockés « fin 2010 ». Une véritable « bombe à retardement pour les hôpitaux », s’est ému son président, Frédéric Valletoux (3).
Autre frein: le dynamisme des rémunérations versées aux contractuels, dû à la difficulté de recruter certains spécialistes, attirés par une pratique en clinique privée. Une problématique qui ne concerne pas que les médecins. Pour les soignants, le recours à l’intérim est concentré sur quelques professions : 69% des établissements font part de difficultés de recrutement pour les masseurs-kinésithérapeutes, 39% pour les IDE et 21% pour les aides-soignantes.
Productivité soignante en hausse
Depuis 2007, les dépenses de personnel non médical augmentent deux fois moins vite que celles du personnel médical. Parmi le personnel non médical, les dépenses liées aux agents titulaires et stagiaires diminuent même, en moyenne, de 0,3% par an en euros constants alors que celles liées aux contractuels progressent de plus de 4% par an. Sur la période 2007-2012, la hausse des effectifs médicaux (+10.000 ETP, pour atteindre 91.000) est près de deux fois supérieure à celle des séjours.
« La productivité globale des personnels médicaux apparaît toutefois au mieux stable si l’on prend en considération l’alourdissement des cas traités », concède la Cour des comptes avant de tacler : « Ce constat ne laisse pas d’interroger, dans le contexte de resserrement de la contrainte financière pesant sur les hôpitaux »… Du côté des 900.000 agents non médicaux (745.000 ETP), dont trois quarts de personnels de soins, la hausse d’effectif est « sensiblement inférieure à celle de l’activité hospitalière ». La Cour y voit « une amorce de gains de productivité pour le personnel non médical ».
Elle n’en appelle pas moins à repenser les organisations internes pour réduire les délais d’attente en amont et en aval des interventions, éviter les taux d’encadrement en personnel soignant supérieurs à l’activité, élargir les amplitudes d’ouverture, etc. Mais aussi « optimiser le temps travaillé » pour mettre fin aux conséquences de la « désynchronisation des temps soignants et médicaux » : temps d’attente pour les patients, report d’activités, plages restreintes d’utilisation des salles de bloc ou d’imagerie, etc.
Cécile Almendros
1 – Une hausse que la DGOS attribue à l’augmentation des cotisations retraite des employeurs et au paiement d’une partie des heures accumulées par les agents sur les comptes-épargne-temps.
2 – Un rapprochement systématique des jours épargnés et des provisions est prévu pour les seuls établissements de plus de 300 agents, à compter du bilan social 2013.
3 - Fin 2007, un plan exceptionnel d’apurement partiel de 3,6 millions de jours de RTT non pris suite à la mise en place des 35 heures avait permis de verser 400M€ aux agents concernés.