Les Idel ont suivi le mouvement lancé par l'Union nationale des professions libérales (Unapl) en participant à la journée « sans professions libérales » du 30 septembre. Plusieurs rassemblements étaient organisés.
La moitié des cabinets d’infirmières étaient fermés, hier, a annoncé l’UNAPL à l’issue de sa journée de mobilisation contre le projet de loi « Croissance et emploi » du ministre de l’Économie, Emmanuel Macron. Les biologistes étaient 90% à être en grève, les pharmaciens 87%, les médecins 70% et les dentistes de 60 à 70 %. L’ampleur du mouvement n’étonne pas Philippe Tisserand, président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI), qui a répondu à l’appel de l’UNAPL, aux côtés de l’Organisation nationale des syndicats d'infirmiers libéraux (Onsil) et de Convergence infirmière. « Dans notre fédération, il y a eu une mobilisation réelle sur le terrain, note-t-il. J’ai des remontées d’infirmiers qui se sont joints aux rassemblements lancés par l’UNAPL. Mais il y a aussi eu des manifestations spontanées à l’initiative d’infirmiers, par exemple une opération escargot à Belfort » (voire photo).
Pas de prises de sang non urgentes
À Paris, Lille, Nantes, Bordeaux, Lyon, Marseille ou Dijon, des centaines de libéraux ont manifesté avec une forte représentation des pharmaciens, particulièrement inquiets des menaces sur le monopole officinal de la vente de médicaments sans ordonnance. Environ 10% des pharmacies ont été réquisitionnées par les ARS et un grand nombre de cabinets ont dû trouver d’autres moyens d’exprimer leur mécontentement. « C’était compliqué de faire grève car je travaille en milieu rural avec des patients très âgés qui ont besoin de soins vitaux, explique Sylvie Verneuil, infirmière libérale dans la Creuse. Ce qu’on n’a pas fait, par exemple, c’est les prises de sang non urgentes.» Ghislaine Sicre, présidente de Convergence infirmière, estime que la participation a été bien suivie : « Les infirmières sont très en colère car elles travaillent 70 heures par semaine dans des conditions compliquées et avec des charges qui augmentent ».
Les libéraux ont peu apprécié que le rapport de l’Inspection générale des Finances (IGF) qui inspire le projet de loi Macron juge élevés leurs revenus. « À 3,15 euros la piqûre, on ne peut pas dire que le pouvoir d’achat des infirmières soit trop élevé », rappelle Ghislaine Sicre. Mais une crainte, en particulier, soude tous les libéraux. C’est l’hypothèse d’ouverture totale du capital des entreprises libérales à des investisseurs non professionnels de santé, comme le suggère le rapport de l’IGF. « C’est une ligne rouge infranchissable, martèle Michel Chassang, président de l’UNAPL. Cela instaurerait un libéralisme des plus sauvages et ravagerait notre secteur.»
Perte d'indépendance
Les cabinets infirmières doivent-ils se sentir menacés ? « La dérèglementation est un phénomène rampant en Europe, analyse Philippe Tisserand. Il faut faire le lien avec le projet de loi Touraine, qui vise à ouvrir le capital des maisons de santé. Or, cette forme d’exercice génère des coûts de structure que les professionnels de santé, qui travaillent à des tarifs encadrés, ne pourront pas assumer. Si des investisseurs privés s’en mêlent, cela va se traduire pour nous par une perte d’indépendance professionnelle et d’autonomie financière.»
L’UNAPL a décidé de réunir un Conseil national extraordinaire le 9 octobre pour décider de la suite du mouvement. Le ministre de l’Economie a tenté de désamorcer le conflit en réfutant l’intention qui lui est prêtée de vouloir ouvrir les capitaux « à des partenaires financiers extérieurs, des banquiers ou que sais-je encore ».
Véronique Hunsinger
Photo: DR/FNI