03/11/2014

La croisade des anti-Sécu

Un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2015, adopté par les députés, alourdit les sanctions pénales à l’encontre des désaffiliations de la Sécu. Les professionnels de santé libéraux ne sont pas en reste.

Ils ne veulent pas casser la Sécu, mais seulement briser son monopole. Pour peu nombreux qu’ils soient, les autoproclamés « libérés de la Sécu » sont motivés… et prosélytes. Selon eux, la réglementation européenne offre aux citoyens le libre choix de leurs assurances maladie et vieillesse. Pourtant, la Commission européenne l’a rappelé dans un courrier daté d'octobre 2013 : un État membre « demeure compétent pour décider d’imposer l’affiliation obligatoire au régime légal d’assurance maladie ou vieillesse et les conditions de cette affiliation ». À cet égard, « la jurisprudence est constante », insiste le directeur de la Sécurité sociale française, Thomas Fatome : « Arrêt après arrêt, la Cour de justice de l’Union européenne reconnaît la pleine légalité des régimes de protection sociale obligatoire. »

« Cause perdue »

Sourds à ces arguments, les anti-Sécu, pour qui le modèle français de Sécurité sociale, chroniquement déficitaire, fait figure de « cause perdue », invitent les assurés sociaux à se désaffilier de leurs caisses d'assurance maladie et vieillesse. L’association Liberté sociale, créée en mai dernier pour structurer le mouvement, propose sur son site Internet une caisse à outils pour mener la démarche à son terme et faire face aux inévitables poursuites judiciaires. Les "libérés" sont invités à souscrire une assurance frais de santé privée et une assurance-vie européennes. Objectif : économiser des cotisations pour une meilleure couverture. Bruno Gomez, médecin anesthésiste-réanimateur, affirme être passé de 10.000€ de cotisation par an (assurance maladie + CSG) à 3.600€ en troquant la Sécu française contre une assurance frais de santé belge au premier euro. Sans compter les économies sur la complémentaire santé, devenue inutile.

Poursuites

De fait, le gros des anti-Sécu actifs relèvent du Régime social des indépendants (RSI); les professions libérales, notamment de santé, sont bien représentées. Pour autant, avec 0,017 % des cotisants concernés (472 personnes sur 2,8 millions), le phénomène est « marginal », insiste Jean-Philippe Naudon, directeur de mission auprès du directeur général du RSI. Ceux qui vont jusqu’à se lancer dans une procédure judiciaire sont encore plus rares : 75 affaires sont en cours devant les tribunaux des affaires de Sécurité sociale (1). Le RSI « poursuit systématiquement » ceux qui s’obstinent et « tous les jugements » intervenus jusque-là lui ont été « favorables », précise Jean-Philippe Naudon. Loin d’avoir une « vocation coercitive », l’obligation d’affiliation et de cotisation à la Sécurité sociale est « la contrepartie d’un système universel et solidaire » dans lequel chacun paie selon ses moyens et reçoit selon ses besoins, rappelle Thomas Fatome.

Une solidarité que Liberté sociale prétend assumer dans « un futur système de santé avec plusieurs assurances dans un environnement concurrentiel », explique son président, Philippe Letertre, chirurgien esthétique. À la lecture attentive des conditions générales de l’une des principales assurances privées souscrites par les anti-Sécu français, la britannique Amariz, plusieurs points permettent d’en douter.

Carences et exclusions de garantie

Le contrat ne peut être souscrit que « sous réserve d’un état de santé susceptible d’être accepté » et la cotisation est fonction de l’âge de l’adhérent, qui ne peut souscrire après 80 ans. Qu’il s’agisse de soins de ville ou de frais d’hospitalisation, des délais de carence sont imposés, à partir de la souscription : 3 mois pour maladie et soins courants, 10 mois pour maternité, 9 mois pour maladie sexuellement transmissible. Le chapitre des exclusions de garantie réserve quelques surprises : ne sont pas pris en charge les frais pour des soins ou infirmités occasionnés lors « de violentes bagarres », ni ceux consécutifs aux maladies et accidents causés par l’ivresse, l’alcoolisme et l’usage de stupéfiants. Pas non plus en cas d’ « interruption volontaire de grossesse non nécessitée par un état de santé ». N’espérez pas davantage être remboursé des frais de longs séjours ni des forfaits journaliers de maison de repos, de convalescence, de neuropsychiatrie, de rééducation ou de gérontologie. À se demander ce qui reste.

Cécile Almendros
Photo: Fotolia




1 – Le code de la Sécurité sociale prévoit des sanctions pénales contre toute personne qui incite les assurés sociaux à refuser de s’affilier à un organisme de Sécurité sociale ou de payer les cotisations et contributions dues : une peine de 6 mois de prison et/ou une amende de 15 000 €. Un amendement au PLFSS 2015 adopté par les députés prévoit de porter ces valeurs à deux ans et 30.000€.

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