Après huit mois de discussions, les négociations engagées sur la rémunération des équipes de soins libérales entre les syndicats et l’Union nationale des caisses d’assurance maladie se sont enfin terminées… par un rejet massif du projet d'avenant à l'Acip.
Ce sont deux accords qui ont été négociés en parallèle depuis le mois d’avril : un accord conventionnel interprofessionnel (ACI) relatif aux financements des structures de santé pluriprofessionnelles de proximité et un avenant à l’accord cadre interprofessionnel (Acip) détaillant les modalités d’intervention des libéraux aux travers de programmes d’accompagnement du patient afin d’améliorer la prévention et ainsi éviter les hospitalisations.
Mais, l'Union nationale des professionnels de santé (UNPS), réunie le 6 novembre en assemblée plénière, a rejeté à une large majorité le projet d'avenant à l’Acip. Le texte a recueilli 1 voix pour, 7 abstentions -notamment du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) ainsi que de l'Organisation nationale des syndicats d'infirmiers libéraux (Onsil)- et 33 votes contre, dont celui de la Fédération nationale des infirmiers (FNI).
Entre 40 et 150 euros pour les démarches de soins coordonnés
Le projet d'avenant à l’Acip avait retenu 11 thèmes pour les démarches de soins coordonnés : le traitement anticoagulant par anti vitamine K (AVK), le suivi post hospitalisation pour la décompensation d’insuffisance cardiaque ou les AVC, la mise sous insuline des patients diabétiques de type 2, l'accompagnement des patients souffrant de BPCO ou de ceux suivant un traitement substitutif aux opiacés, la prise en charge des plaies chroniques, les soins post chirurgie orthopédique, la chirurgie ambulatoire, les sorties précoces de maternité et les soins palliatifs.
Pour la mise en œuvre de ce dispositif, les professionnels de santé choisis par le patient devaient définir parmi eux un coordonnateur s’identifiant comme tel auprès de l’assurance maladie. Les montants des forfaits oscillent entre 40 et 150 euros par patient et par an, répartis entre les professionnels et modulés en fonction du rôle de chacun : en cas de duo, 60% pour le coordonnateur, 40% pour l'unique intervenant ; s'il y a plusieurs professionnels, 40% pour le coordonnateur et 60% pour les autres intervenants. Les forfaits sont majorés de 20% au-delà de quatre professions impliquées.
« Marché de dupes » pour les uns, « occasion ratée » pour les autres
Mais, ces montants ou encore le délai de versement (au semestre suivant) sont autant de sujets de discordes pour les syndicats des professionnels de santé. « Rémunérer la coordination, pourquoi pas ? L'infirmier le fait déjà sans être payé, a lancé Philippe Tisserand, président de la FNI, ce vendredi lors du Salon infirmier. Mais, c'est un marché de dupes. Il y a 80 millions d'euros sur la table à se partager, les médecins traitants en auraient pris 60% ».
Le Sniil, quant à lui, déplore dans un communiqué « une occasion ratée » pour les infirmiers libéraux, « qui demeurent les seuls professionnels de santé à travailler quotidiennement auprès des personnes nécessitant, justement, une coordination pluriprofessionnelle (patients âgés dépendants, malades chroniques et sorties d’hospitalisation) ». « S’il est vrai que les montants des forfaits annoncés par l’Assurance Maladie et les pouvoirs publics n’étaient pas suffisants, force est de constater qu’ils permettaient, quand même, aux libéraux de santé de garder la main sur leur propre coordination. »
L'avertissement de Marisol Touraine
« Nous verrons si une majorité de syndicats souhaite poursuivre la voie de la négociation ou si les blocages, malgré les sommes proposées, obligent l’assurance maladie à faire un constat de carence », a déclaré la ministre de la Santé, Marisol Touraine, dans une interview exclusive accordée à Espaceinfirmier.fr et L'Infirmière libérale magazine en marge du Salon infirmier. L'issue serait alors un règlement arbitral du ministère.
Quant à l’ACI, les syndicats ne se sont pas encore positionnés officiellement sur le projet mais l’ont beaucoup critiqué.
Laure Martin et Aveline Marques