09/02/2015

« Il faut créer une médecine préventive des chômeurs »

Michel Debout est professeur au CHU de Saint-Étienne, psychiatre et médecin légiste. Dans son dernier ouvrage, écrit avec l’aide du journaliste Gérard Clavairoly, ce spécialiste du suicide alerte sur un problème économique et social qui peut affecter la santé de plus de 5 millions de français : le chômage.

Espaceinfirmier.fr : Votre livre dénonce le manque d’intérêt général pour la santé des chômeurs. En quoi le chômage est-il, d’après vous, un problème de santé publique ?

Michel Debout : La perte d’un emploi est un événement traumatique, au sens clinique de ce terme. Elle peut provoquer des réactions d’anxiété : perte d’appétit, de sommeil, irritabilité… Avec le temps, d’autres complications peuvent survenir : sentiment de culpabilité, perte d’estime de soi… Au final, ces signes peuvent aller jusqu’à l’état dépressif, et même jusqu’au risque suicidaire. La santé psychologique n’est pas la seule touchée: les chômeurs souffrent aussi davantage de cancers, de déficiences immunitaires, d’hypertension ou d’infarctus que le reste de la population. En un mot, le chômage diminue l’espérance de vie.

Quels sont les besoins spécifiques de prise en charge médicale des chômeurs ?

Je ne dis pas que tous les chômeurs sont dépressifs, qu’ils vont développer un cancer. Mais ils sont tous en situation de risque. Ils voient moins de monde, ce qui entraîne des possibilités d’addiction : tabac, alcool, mésusage des médicaments… Tous ces troubles doivent pouvoir être repérés. Il faut y apporter des réponses médicales, mais aussi des réponses sociales, pour maintenir le lien avec les autres.

C’est pour cela que vous appelez dans votre livre à la création d’une médecine spécifique pour les chômeurs, sur le modèle de la médecine du travail ou de la PMI. Comment cela fonctionnerait-il ?

Quand on perd son travail, on perd la médecine préventive qui va avec. Or, c’est justement un moment de la vie où l’on a particulièrement besoin d’un regard médical. C’est pourquoi il faut créer une médecine préventive des chômeurs. Je préconise une visite obligatoire avec un médecin dans les 2 à 3 mois qui suivent la perte d’emploi. Une autre visite doit intervenir un an après, si la situation de chômage perdure. Certes, cela coûterait de l’argent, mais il faut voir cela comme un investissement : il vaut mieux une petite dépense préventive aujourd’hui qu’une lourde dépense curative demain.

Propos recueillis par Adrien Renaud


 « Le traumatisme du chômage », Éditions de l’Atelier, 96 p., 12€

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