Les grandes orgues de l’infirmier

Bruno Maurel aurait pu devenir musicien professionnel. Il a privilégié sa carrière d’infirmier. Un an après son diplôme d'État, en 1981, alors qu’il est encore au service militaire, il ouvre son cabinet. « J’avais entendu dire qu’une place se libérait dans un cabinet d’un quartier populaire d’Angers. Je ne voulais pas manquer cette occasion. » Trois décennies plus tard, il exerce toujours à la même adresse, avec une associée.

Quelques années à peine après son diplôme d’infirmier, Bruno obtient celui de fin d'études au Conservatoire d’Angers... puis le premier prix d'orgue à celui de Nantes. Sa passion pour cet instrument remonte à son enfance. « À six ans, précise-t-il, mes parents m’ont emmené à la cathédrale pour la messe de minuit. Il y avait tellement de monde qu’on s’est retrouvés sous l’orgue. Sa puissance et les sons qui en sortaient m’ont chamboulé. »

« Monsieur orgue »

L’orgue garde une place prépondérante dans sa vie. Au point qu'aujourd’hui…
il n’a plus le temps d’en jouer. Bruno Maurel (ci-contre devant les grandes orgues de l'église Saint-Maurice, à Angers) est devenu le « Monsieur orgue » du département du Maine-et-Loire.
« Je jouais plusieurs messes par semaine en l’église Saint-Joseph, retrace-t-il. Il y avait ici un instrument magnifique et classé, conçu en 1879 par Aristide Cavaillé-Coll, l’un des plus prestigieux facteurs d’orgues. Jusqu’au jour où j’apprends que la municipalité projette la destruction de l’édifice religieux. »

L’infirmier enfile un costume de justicier afin de sauver les orgues. Il fait un tel battage, en organisant un concert,
en convoquant la presse, que la municipalité annule ce projet et lui propose de répertorier tous les orgues de la ville. « Je suis devenu conseiller technique de la ville auprès des orgues », dit-il en souriant.

« Mon métier d'infirmier passe avant tout. L'orgue remplit le reste de ma vie »

C’est ainsi, en 1986, que naît le premier festival Découvertes des orgues angevines, l’ancêtre du Printemps des orgues qui, depuis 1992, fait vivre les 108 instruments du département. « "Printemps" pour signifier la renaissance de cet instrument », explique l’infirmier, président de l'association réunissant des maires, des membres du clergé et évidemment des organistes et des mélomanes organisant bénévolement cet événement.

 « La programmation du festival est riche et éclectique, nous essayons de se faire croiser les arts », note Bruno.  L’orgue se retrouve au cœur de créations originales, où chorégraphes et musiciens de jazz, entre autres, permettent à des publics variés de découvrir ces fabuleux instruments. Le cinéma profite aussi de bandes-sons originales, comme ces projections de vieux films (Faust, de Murnau, ou Le Mécano de la Générale, de Bruckman et Keaton), accompagnés par un grand orgue de cinéma joué par Jean-Philippe Le Trévou (ci-contre avec Bruno Maurel devant un orgue Allen).

 Parfois, Bruno Maurel ne résiste pas au plaisir de s’asseoir  devant un clavier. « Mais mon métier d’infirmier, mes patients, passent avant tout. L’orgue remplit le reste de ma vie. »

Texte et photos: Jean-Michel Delage

Prochains événements du Printemps des orgues : à Angers, le 26 mars, soirée sur le thème de la Passion. Les détails sur www.printempsdesorgues.fr