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Le Planning familial et Médecins du monde s’alarment de la tournure que prend la proposition de loi pour renforcer la lutte contre le système prostitutionnel. En maintenant la pénalisation du racolage, le texte voté par les sénateurs « nuit gravement à la santé » des prostituées.
Adopté le 4 décembre 2013 par les députés, la proposition de loi, visant initialement à abroger le délit de racolage passif et à instaurer une pénalisation du client, a été détournée de son objet par les sénateurs: le 30 mars, alors qu’ils rejetaient massivement la pénalisation du client, ces derniers ont réintroduit par amendement le délit de racolage.
Le délit de racolage passif a été institué en 2003 par la Loi de sécurité intérieure. Depuis, les associations œuvrant dans le champ de la prévention et de l’accès aux soins et au droit se plaignent de difficultés croissantes pour entrer en contact avec les personnes prostituées. « Rejetées de l'espace public, moins accessibles aux associations de soutien et de prévention, elles sont aussi davantage exposées aux violences et aux risques, et moins en capacité de négocier des rapports protégés », déplore le Planning familial dans un communiqué.
En 2009, une enquête de Médecins du Monde, menée auprès des usagères du Lotus Bus, un outil de prévention mobile à l’intention des femmes chinoises se prostituant à Paris, montrait que plus d'un tiers des femmes interrogées disaient avoir déjà contracté des infections sexuellement transmissibles ; 46 % ne bénéficiaient pas d’un suivi gynécologique régulier ou approprié et 45 % n’avaient jamais effectué de dépistage VIH, alors que 70 % avaient déjà connu une rupture de préservatif.
Puis, en 2012, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, consacré aux enjeux sanitaires de la prostitution, soulignait à son tour : « De façon générale, l’isolement et la clandestinité apparaissent comme des facteurs d’aggravation des risques, en même temps qu’ils restreignent les possibilités d’accès aux dispositifs et moyens de prévention. »
L’abrogation du délit de racolage passif était un engagement de campagne de François Hollande. C’est un amendement UMP, dans un Sénat passé majoritairement à droite depuis septembre 2014, qui a permis son retour dans le texte.
Dans un communiqué daté du 31 mars, Marisol Touraine a regretté cette « régression des droits des femmes ». Pour la ministre de la Santé et des Droits des femmes, « il faut reconnaître la prostitution comme une violence, responsabiliser les clients qui alimentent financièrement le système prostitutionnel et proposer aux personnes prostituées qui le souhaitent un parcours de sortie de la prostitution, associé à des droits sociaux nouveaux ». La loi sera prochainement réexaminée à l’Assemblée nationale.
Sandra Mignot