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Lors d'une table-ronde organisée en mars dans le cadre du colloque de l'Afar sur l'emprise et les prédateurs en gériatrie, les professionnels du secteur ont tenté de comprendre, pour mieux les aider, ces proches qui perturbent la relation soignant-soigné.
Une épouse omniprésente auprès de son mari hospitalisé, tantôt autoritaire, tantôt séductrice avec l'équipe. Une fille adressant une lettre de plainte, photos à l'appui (vêtements sales, miettes...), à l'Ehpad où sa mère réside. Une manipulatrice radio remettant en cause la prise en charge des problèmes cardio-vasculaires de sa belle-mère. À l'instar des équipes du CH d'Embrun, qui ont rencontré et analysé ces situations, nombreux sont les soignants qui ont vécu une relation complexe avec les proches d'un patient.
« Elles représentent un tout petit pourcentage des familles, mais elles nous mettent en difficulté », estime le Dr Anne-Marie Lezy, chef de service gérontologie 2 à l'hôpital Corentin-Celton (AP-HP). En collaboration avec le Dr Jean-Claude Monfort, psycho-gériatre au CH Sainte-Anne (Paris), la gériatre a construit une « échelle des familles qui épuisent » (EFE). Cette grille d'évaluation, en cours de validation, s'inspire largement de l'Echelle des personnes âgées difficiles qui épuisent (EPADE), qui mesure quatre items : la violence ou l'agressivité, le refus, les paroles et les actes inquiétants et déconcertants.
Le but de l'EFE n'est pas de pointer du doigt les « mauvaises familles », mais au contraire de mettre en évidence leur souffrance. Alors que ces situations difficiles peuvent sembler banales, l'outil « fait parler les soignants » et permet de réfléchir, en équipe, à « ce qu'on va dire, comment on va prendre en charge » ces familles, et de poser des limites, a expliqué Anne-Marie Lezy. Pas question d'utiliser l'EFE sur toutes les familles, ni dès le 1er jour, mais au bout de « 4, 8, 12 semaines », a précisé la gériatre, en réponse aux craintes de généralisation exprimées par la salle.
La communication est, bien souvent, à la fois le problème et la solution. Prenant en charge une femme en déclin cognitif et son époux, une infirmière en gérontopsychiatrie de liaison a été prise à partie par sa fille, qui refusait la sédation. « Le mari s'est complètement effondré, en larmes, appelant à l'aide, témoigne-t-elle. Les familles ont du mal à entendre que leur parent vieillisse et a besoin de rentrer en Ehpad. On ne prend pas assez le temps de les écouter. » « Les familles qui épuisent sont pour l'essentiel des familles épuisées ou culpabilisées d'avoir eu à passer le relais à une équipe de maison de retraite, estiment les Dr Lezy et Montfort dans l'abstract de la table-ronde. Ces familles ont d'abord besoin d'être écoutées et comprises, d'être rassurées et apaisées. »
Les deux médecins n'ont pas manqué de remarquer « qu'il existe des soignants qui mettent toujours en cause les familles sans se questionner sur leurs propres attitudes ». Une échelle des soignants qui épuisent serait d'ailleurs en cours d'élaboration.
Aveline Marques