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L’association de défense des consommateurs a fait éplucher par une diététicienne spécialisée en restauration collective les menus de 88 Ehpad, situés dans 49 départements. Le rythme des repas et l’équilibre nutritionnel laissent à désirer.
Comme l’a pointé mi-mars l’Académie nationale de pharmacie lors une séance dédiée, la dénutrition des seniors est un enjeu de santé publique : selon le Conseil national de l’alimentation, de 450.000 à 700.000 personnes âgées seraient touchées par ce fléau, à l’origine de déficits immunitaires, infections, chutes, fractures, escarres, etc. À cet égard, le secteur des Ehpad est « délaissé par les pouvoirs publics », accuse l’UFC-Que Choisir : de 15 à 38% des résidents y seraient dénutris. Or, les « rares » études sur le sujet, bien que « préoccupantes », sont « anciennes », pointe l’association.
Et de regretter le « peu de contrôle » exercé par les ARS et conseils généraux, financeurs de la prise en charge institutionnelle de la dépendance. Il existe pourtant quatre axes de prévention de la dénutrition, note l’UFC-Que Choisir : des rythmes alimentaires adaptés, une alimentation de qualité, un suivi nutritionnel des résidents et la recherche des plaisirs de la table.
En ce qui concerne les horaires de repas, « l’intérêt nutritionnel des seniors » est « trop souvent sacrifié au profit de l’organisation du personnel », pointe l’association. Si les durées minimales de repas recommandées (1) sont globalement respectées dans les Ehpad étudiés, les intervalles diurnes entre les repas sont « raccourcis » : le petit-déjeuner est trop long dans 14% des cas, le déjeuner trop court dans 19% des cas, le goûter servi trop tôt dans 56% des établissements et le dîner dans 80% des établissements, entraînant un jeûne nocturne trop long.
S’agissant de l’équilibre nutritionnel, « les considérations économiques priment », relève l’UFC-Que Choisir et les protéines en font les frais : l’association a constaté un déficit de viande rouge et de poisson dans plus de 50% des établissements étudiés, trop de plats pauvres en protéines (ex. gratin de légumes) dans 82% des établissements ou de plats inadaptés aux habitudes alimentaires des seniors (par exemple, des nuggets) dans 22% des Ehpad.
Le suivi nutritionnel des résidents carencés est perfectible : la pesée mensuelle est absente dans 18% des établissements ; dans 63% des cas, un diététicien n’intervient qu’une fois par an, voire moins, et les personnes dépendantes sont au régime commun dans la moitié des Ehpad…
Au chapitre des plaisirs de la table, le constat de l’association est « en demi-teinte », avec un « satisfecit global » des résidents sondés (2) quant à l’environnement et à la qualité des repas : 90% jugent le personnel attentionné, 80% l’alimentation bonne et variée et les trois quarts affirment qu’il existe une alternative au plat principal. Les Ehpad offrent, en revanche, une convivialité des repas « a minima », déplore l’UFC-Que Choisir : le petit-déjeuner est pris dans les chambres dans 48% des cas, la place occupée dans le réfectoire est fixe dans 80% des établissements et il est difficile d’en changer dans 25% des cas.
Pour améliorer le sort alimentaire des personnes âgées en institution, l’UFC-Que Choisir demande que l’alimentation et le suivi nutritionnel dans les Ehpad soient inscrits parmi les enjeux du projet de loi de santé et fassent l’objet d’obligations réglementaires précises en matière de conformité des horaires de repas, de plan alimentaire, de budget consacré à la nourriture et que leur respect soit contrôlé chaque année par les ARS. Les députés ont entendu ce cri d'alerte: un amendement au projet de loi de santé instituant « le suivi nutritionnel » des Ehpad a été adopté vendredi 3 avril.
Cécile Almendros
1 – 30 minutes pour le petit-déjeuner, 1 heure pour le déjeuner, 45 minutes pour le dîner ; 3 heures minimum entre les repas et un jeûne nocturne inférieur à 12 heures.
2 - Résidant dans 43 Ehpad, situés dans 27 départements.