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Après le vote par 19 députés, dans la nuit du 9 au 10 avril, d'un amendement visant à supprimer l’ordre infirmier, les réactions, qu’elles soient pro ou anti-ordre, sont nombreuses.
L'amendement au projet de loi de modernisation du système de santé qui supprime l'inscription automatique des IDE au tableau de l'Ordre fait chauffer les claviers depuis ce matin. Tandis que les anti-ordistes se félicitent, les pro-Ordre, très actifs sur les réseaux sociaux aujourd’hui, s’indignent. « C’est une grosse erreur… Nous avons acquis une certaine indépendance vis-à-vis des médecins. Nous revoici à nouveau de vulgaires subordonnées. Lamentable… », estime Paskal V. sur la page Facebook de L'Infirmière libérale magazine.
Du côté des syndicats, se dessine la même ligne de fracture. Dans un communiqué, le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil), favorable à l’Ordre, s’insurge contre cette mesure qui fait « revenir la profession dix ans en arrière ». Il se dit « choqué par la manière dont ce vote s’est produit. Avec seulement 5 % de députés votants… et ce alors que le premier argument développé par les élus ayant voté l’abrogation de l’Ordre est de dénoncer son manque de représentativité ! ». Le Sniil « exhorte donc désormais les sénateurs à plus de sagesse et de perspicacité ».
« La gouvernance initiale a été unanimement considérée comme préoccupante et problématique, et aujourd'hui c'est vrai qu'une nouvelle équipe se met en place, travaille mieux et un travail d'apaisement a été réalisé », a observé la ministre de la Santé, longtemps hostile à l'ONI, durant les débats. Reconnaissant « la contestation » des IDE salariées, Marisol Touraine a néanmoins souligné la nécessité d'avoir des « structures qui permettent de réguler, d'accompagner la profession ».
À l’opposé, dans un communiqué, la Fédération nationale des infirmiers (FNI) « salue le courage de la députée qui a su prendre une position ferme. Annie Le Houerou est en effet particulièrement bien placée pour apprécier ce dossier puisqu’elle a présidé un groupe de travail sur le sujet en 2013. Elle a su rappeler la mauvaise gestion de l'Ordre, son défaut de représentativité et les tensions dans la profession que son maintien ne manquerait pas de renforcer ». Soulignons que le rapport en question n’a jamais été publié.
Le petit syndicat Résilience, qui ferraille durement depuis des années contre l’instance, se félicite également de cette bonne nouvelle « qui vise à redonner un peu de sérénité aux infirmières et aux infirmiers de ce pays, notamment en supprimant la précarité juridique de plus de 450 000 professionnels qui œuvrent dans l'illégalité ordinale au quotidien auprès de la population, suite aux menaces auprès des employeurs ».
Droit dans ses bottes, l’Ordre indique que « contrairement à ce qu’affirme certain média, l’amendement voté cette nuit contre l’avis du gouvernement […] n’a pas supprimé l’Ordre infirmier ». Le communiqué tient à préciser que «les conseils national, régionaux et départementaux continuent de fonctionner et de remplir leurs missions […] ». Pour Didier Borniche, président de l’ONI, « si quelques députés ont manifesté leur incompréhension du rôle et des missions de l’Ordre, cela ne remet en question ni la place de l’Ordre dans la profession, ni notre fonctionnement quotidien. Le projet de loi de santé et l’ensemble des amendements qui ont été apportés seront discutés au Sénat et, si nécessaire, en commission mixte paritaire d’ici la fin de l’année. Nous savons pouvoir y compter sur le bon sens de nombreux parlementaires y siégeant, qui nous ont déjà témoigné leur soutien. »
Un soutien qui s’organise promptement puisque le Comité de liaison des instituions ordinales (Clio) vient d’adresser une demande d’audience au Président de la République. Ce n’est pas la première fois, loin s’en faut, que l’Ordre infirmier frôle « la mort » économique ou politique et il est fort possible, voire fort probable, qu’il se remette également de cet épisode. Les sénateurs ne sont pas réputés pour être des boutefeux et ne prendront pas le risque de déstabiliser un pilier de la structure ordinale nationale…
Françoise Vlaemÿnck