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Travail de nuit, 12 heures… Les horaires atypiques ne sont pas sans risques pour la santé des personnels comme pour la sécurité des soins. Comment s’en préserver ?
La question du travail posté à l'hôpital n'est pas nouvelle. Ce qui l'est, en revanche, c'est tout à la fois « la féminisation de ces horaires atypiques, leur banalisation ainsi que la tendance à l’allongement des postes de travail (en 12 heures), alors que le temps de travail a diminué », a souligné Béatrice Barthe, enseignante chercheuse en ergonomie à l’université de Toulouse – Jean Jaurès, lors d’une conférence sur le sujet dans le cadre du congrès Préventica, qui s'est tenu la semaine dernière à Toulouse.
Reste que ce travail posté à l’hôpital – largement plébiscité, mais censé rester dérogatoire s’agissant du travail en 12 heures – n’est pas anodin, loin s’en faut. « Plus on allonge le travail, plus il y a un risque accru sur la fiabilité », a insisté l’ergonome; ce risque étant « exponentiel à partir de 9 heures d’amplitude », a renchéri le syndicaliste FO Denis Garnier, titulaire de la CHSCT nationale pour les personnels hospitaliers et président du comité technique national H des maladies professionnelles et accidents du travail. Par ailleurs, ce risque est aussi particulièrement élevé entre minuit et 5 heures. Les deux intervenants ont également pointé la durée d’exposition, mentionnant la corrélation établie entre le travail en horaires alternants et de nuit et le risque de cancers, de même que ses effets sur les troubles digestifs et cardiovasculaires.
Face à ces incidences sur la santé, les médecins du travail en secteur hospitalier ont déjà formulé un certain nombre de recommandations : limiter le travail en 12 heures à 2 jours de suite maximum, ne pas proposer d’horaires en 12 heures en roulement jour et nuit – « l’alternance la plus néfaste qui soit sur la santé », a précisé Denis Garnier –, proposer des alternatives, renforcer l’organisation sur ces postes, préserver les temps d'échanges, avoir l’avis préalable du médecin du travail avec un suivi régulier des personnels concernés...
Dans les faits et face aux déphasages dus à ces horaires atypiques, « on observe que les personnes en travail posté mettent en place des stratégies pour faire face et tenir malgré tout les objectifs de travail », a noté la chercheuse ergonome. Lorsque cela est possible, il s’agit, par exemple, de différer ou de regrouper certaines tâches « pour maintenir la vigilance et rompre la monotonie ». Le collectif est aussi « une ressource pour faire face à la baisse de vigilance. Par exemple, lors du travail de nuit, deux ou trois IDE coopèrent sur certains actes pour fiabiliser le travail (comportements de prudence) ».
Autre piste avancée par Béatrice Barthe, qui s’intéresse à ce sujet depuis près de 15 ans : « les prises de repos et siestes » qui « font aussi partie des aménagements possibles à mettre en place ». « Une sieste la nuit réduit de 50 % les erreurs d’attention », précise-t-elle.
Sur ce dernier point, Denis Garnier n’a pas manqué de noter « la différence d’approche dans la prévention des risques entre secteurs public et privé », la mise à disposition de relax ergonomiques étant notamment inscrite dans la convention collective nationale de l’hospitalisation privée, tout comme le respect du temps de pause dans le cadre du travail de nuit.
Danielle Julié
Pour aller plus loin, lire le débat sur le développement des 12 heures à l'hôpital, à paraître dans L'Infirmière magazine des mois de juillet/août.