© Laëtitia Di Stefano
Un numéro dédié pour alerter par texto, un code signé pour échanger en situation de crise… l’accès des personnes sourdes aux urgences s’améliore.
« Avec le 114, les sourds ont permis aux services de police, pompiers et Samu de travailler ensemble », note le docteur Benoit Mongourdin, praticien hospitalier à l’Uniss (1) Rhône-Alpes et responsable du centre national relais du 114, lors du colloque Sourds et santé, fin juin. Ce numéro spécial, créé en 2011, répond initialement à une demande de la communauté sourde, qui craignait de ne pouvoir contacter les urgences en cas de problème. « Il n’y avait, jusque-là, que la possibilité de téléphoner. La plateforme du 114 reçoit les textos ou fax et transmet au service concerné », explique le Dr Mongourdin.
« Le 114 est un droit pour les sourds, mais implique aussi un devoir en tant que citoyen. À présent, un sourd qui voit une personne en difficulté dans la rue est en capacité de prévenir les secours », souligne le responsable. Aujourd’hui, les usagers se diversifient : muet, aphasique, dysphasique, personne sujette à la discrétion, dans une ambiance bruyante… Imaginez-vous dans un bar, une bagarre se déclenche. Un peu risqué de décrocher son téléphone pour appeler la police, non ? Le 114 est la solution.
Un outil pour tous, qui va bientôt révolutionner les urgences avec la « conversation totale », une application pour les mobiles qui permettra de communiquer par visio-conférence. « Nous sommes déjà au cœur des usages. Nous avons par exemple des appels d’adolescents en souffrance, qui se sentent plus à l’aise avec le texto qu’au téléphone », se réjouit le Dr Mongourdin.
Constatant les difficultés de communication sur certaines situations d’urgence, entre deux personnes de langues différentes, sur un lieu de sinistre avec masque gaz ou combinaison de protection, un niveau sonore élevé, etc., Roberto Biedma, formateur sourd et chargé de la communication du 114, a conçu des codes « visuo-gestuels » : «120 signes facilement mémorisables, qui couvrent plusieurs spécialités : médical, chimie, catastrophe naturelle », explique-t-il. Il enseigne donc à des entendants, de France ou d’Allemagne, et bientôt d’Espagne, Italie, Écosse, grâce à l’association B4com, créée en 2011, avec, notamment, le médecin urgentiste Christophe Berna. « Les gens se rendent compte qu’un sourd peut apprendre à des entendants à communiquer d’une autre façon. Ça change leur regard sur les sourds, et je suis fier de cela », confie Roberto Bendia.
Laëtitia Di Stefano
1- Unité d’accueil et de soins des sourds en langue des signes : la première a été créée en 1995 à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP). Il en existe 18 aujourd’hui en France.