© Pict Rider/Fotolia.com
Mieux comprendre la douleur pour mieux la soulager, c’est avant tout entendre le patient, comme l’a montré le colloque organisé le 29 septembre à Versailles par l’association La douleur et le patient douloureux.
« La douleur est une histoire », résume Pierrick Poisbeau, chercheur à l’Institut des neurosciences cellulaires et intégratives de Strasbourg (CNRS). « Plus les enfants sont exposés à la douleur jeunes, plus ils risquent de développer une hypersensibilité sur une longue période », a ainsi montré le chercheur. Il est même désormais établi que les douleurs ressenties lors de la prise en charge des grands prématurés en unité de soins intensifs génèrent un risque élevé de neuropathie à l’âgée adulte… « Le système nociceptif peut être façonné par les événements de la période périnatale, a poursuivi le chercheur. Il est donc important que les soignants soient formés à détecter l’expression de la douleur dans le comportement du nouveau-né, ou via une prise de sang, la lecture des enregistrements, etc. »
La séparation maternelle joue également un rôle. « Les études chez l’animal montre qu’elle génère un dysfonctionnement des récepteurs opioïdergiques conduisant à l’hypersensibilité. Elle est aussi un facteur de risque pour les troubles comportementaux et émotionnels à l’âge adulte (anxiété, dépression, addiction…). » Des hypothèses actuelles suggèrent même des modifications de l’ADN, qui pourraient se transmettre entre les générations…
Quant à Patrick Giniès, chef du département douleur et psychosomatique au CHRU de Montpellier, il estime qu’en comprenant la douleur chronique, on peut mieux prévenir la douleur aiguë. « La douleur post-opératoire est l’occasion de découvrir quelque chose de latent, une part irréductible qui doit enclencher de la part du praticien un rapport humain au patient différent. » Car la douleur n’est pas que la résultante d’un phénomène somatique. « 15 % des patients sont résistants aux stratégies issues de la médecine par les preuves », poursuit l’anesthésiste. Ceux-là même qui auront besoin d’une écoute et d’une créativité particulière dans les solutions à proposer. « Chaque patient rebelle à votre protocole est un challenge à votre capacité d’analyse professionnelle, et son originalité de vie vous permettra de sentir comment il veut que sa douleur soit gérée. »
Quitte à ce que la solution passe par des neuroleptiques ou des antipsychotiques pour les douleurs non cancéreuses. « La morphine étant actuellement trop mal gérée », a-t-il souligné. En effet, Claude Dubray, pharmacologue clinicien au CHU de Clermont-Ferrand et médecin coordinateur (CIC Inserm 1405), a rappelé que 30 % des patients interrompaient leur traitement en raison d’effets indésirables importants, tels que la dépendance, ou de son inefficacité à moyen/long terme… Tandis que Marc Ziegler, neurologue à la Fondation Rotschild (Paris), témoignait de ses limites aux stades les plus avancés de la maladie de Parkinson. « Le traitement des douleurs chez ces patients est complexe, peu codifié et parfois décevant, car elles varient dans la journée, et sont modulées par la présence de troubles cognitifs ou dépressifs. Mais dans tous les cas, les solutions passent d’abord par… l’écoute du patient. »
Sandra Mignot