Valérie de Gasparin

23/12/2015

Dans l'ombre de Florence Nightingale

Alors que le nom de l'infirmière britannique figure dans tous les ouvrages consacrés à l'historiographie professionnelle, celui de la Suisse Valérie de Gasparin, fondatrice de la toute première école laïque, est curieusement occulté.

« Les rivalités de valeurs qui opposaient les deux femmes les rendent plutôt complémentaires. La profession est donc redevable aux deux et non à une seule», affirmait Michel Nadot (1), infirmier, professeur d'histoire et d'épistémologie en sciences infirmières, lors d'une conférence donnée au Salon infirmier 2015.

Les similitudes entre les parcours de ces deux femmes sont en effet étonnantes. Les deux rivales étaient contemporaines et fréquentaient les mêmes lieux, ont rencontré les mêmes personnages, mais leurs conceptions s'opposaient. La première école laïque d'infirmière au monde, l'École normale de gardes-malades de Lausanne -aujourd’hui « Haute école de santé La Source »- a été créée par Valérie de Gasparin en novembre 1859 sur d'autres principes que celle créée par Florence Nightingale en juillet 1860 et que l'Histoire a retenu.

Valérie de Gasparin, qualifiée de « conservatrice révolutionnaire » (2), fait preuve d'une remarquable liberté de ton, inhabituelle pour l'époque. C’est sur fond de polémique religieuse passionnante, autour des symboles de la charité, entre les églises catholiques, protestantes et anglicanes, entre femmes consacrées et pieuses laïques, entre institutions religieuses et institutions civiles, entre femmes soumises et femmes émancipées, que Valérie de Gasparin va ouvrir son école.

Les soins à domicile plutôt que les hôpitaux

Aujourd'hui encore, on est frappé par la clairvoyance et de cette femme qui s’inspire de la pédagogie du mode mutuel, suggère à Henry Dunant de créer une société de secours aux blessés militaires (à l'origine de la Croix-Rouge), s'insurge contre le remplacement des soignantes laïques par des congrégations religieuses dans les hôpitaux et préconise le développement des soins à domicile plutôt que celui des hôpitaux. Elle s'oppose au célibat obligatoire pour les soignantes que défend Florence Nightingale et affirme l'égalité d'essence entre homme et femme dans le mariage...

Ces nouvelles données historiques enrichissent notre histoire professionnelle dont on mesure à quel point elle repose sur des informations parcellaires et des figures mythiques habilement sélectionnées. Une leçon pour l'avenir.

Frédéric Launay
Photo ci-contre: © Archives Fondation La Source


1- Auteur de Le Mythe infirmier, ou le pavé dans la mare !, L'Harmatan, 2012.
2- NADOT M. Nursing Inquiry 2010; 17: 118–127 The world’s first secular autonomous nursing school against the power of the churches.

Les dernières réactions

  • 23/12/2015 à 20:24
    mm1
    alerter
    et que dire de Jean baptiste Pussin lorsqu'il s'agit des soins infirmiers psychiatriques, qui a révolutionné la prise en charge des malades "dangereux" et qui a fait de telles notes d'observation et e telles expérimentations que cela a grandement particip

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