© Caroline Coq-Chodorge
Les syndicats ont peu mobilisé contre la réforme du temps de travail à l’AP-HP, ce mardi 29 mars. Ils pourront difficilement s’opposer à la direction, résolue à mettre en application son projet dès le 1er avril. Deux expertises pointent pourtant les bénéfices minimes et les risques importants associés à cette réforme.
Tous les syndicats de l’AP-HP, à l’exception de la CFDT, ont de nouveau appelé les agents du plus grand CHU de France à se réunir, mardi 29 mars 2016, devant le siège de l’institution à Paris. Mais quelques dizaines seulement ont manifesté sous les fenêtres du directeur général Martin Hirsch, alors que se tenait un comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) exceptionnel, consacré au protocole d’accord sur le temps de travail, signé par la seule CFDT.
Cet accord scelle la perte sèche de 2 à 6 jours de RTT pour les agents : les deux journées extraréglementaires accordées en 2002, la journée offerte aux mères de famille, et les journées dites « médailles » accordées à l’ancienneté. Par ailleurs, l’accord modifie les journées de travail, afin de réduire le nombre de RTT : les journées en 7h50 sont supprimées, et celles en 7h36 devraient progressivement disparaître au profit des journées en 7h30, qui ne donnent droit qu’à 15 jours de RTT annuelles. L’accord prévoit également la généralisation de la grande équipe : les soignants ne travailleront plus le matin ou l’après-midi, mais tourneront au sein d’une grande équipe de jour. Par ailleurs, les services qui le souhaitent pourront travailler en journées de 12 heures le week-end.
Au Monde, Martin Hirsch a annoncé que la suppression des RTT extraréglementaires sera « d’application immédiate » dès le 1er avril. La nouvelle organisation du temps de travail sera mise en vigueur dans les 38 hôpitaux de l’AP-HP au 1er septembre. « Martin Hirsch a mis sur la table un document définitif, avant même que les instances soient consultées. Il s’assoie sur le dialogue social et sur les expertises que nous avons commandées, qui prouvent que les conséquences de cette réforme sont préjudiciables pour les agents », dénonce Rose-May Rousseau, la secrétaire générale de la CGT, majoritaire à l’AP-HP.
Les syndicats ont en effet commandé deux expertises. La première, réalisée par le cabinet Émergences, concerne spécifiquement les cadres et relève leur « faible adhésion » au projet de réforme, qui repose à leurs yeux « uniquement sur des motivations économiques au détriment de la qualité des soins et des conditions de travail », relèvent les experts. La seconde expertise, réalisée par le cabinet Secafi, souligne que cette réforme « s’inscrit dans un contexte de surcharge de travail dans les services ». Et il remet en cause l’objectif d’économies affiché par l’AP-HP : Secafi rappelle que l’AP-HP sera bénéficiaire de 40 M€ en 2015 et de 65 M€ en 2016, ce qui devrait permettre d’améliorer des conditions de travail dégradées. Et les économies attendues restent faibles : 33,1 M€ annuels, soit 1 % des dépenses de personnel en 2014 et 1 000 postes en équivalent temps plein. La réforme paraît donc « déséquilibrée », aux yeux des experts, par rapport aux désagréments subis par les agents. Ils insistent surtout sur la généralisation de la grande équipe, préjudiciable à la conciliation entre vie familiale et professionnelle. Les syndicats ont appelé à « poursuivre la mobilisation dans les hôpitaux, qui seule peut faire bouger les choses ». Le faible nombre de manifestants ce 29 mars leur laisse en réalité peu d’espoir.
Caroline Coq-Chodorge