08/04/2016

Santé mentale : alerte rouge en prison

Hospitalisation sans consentement, mises à l’isolement, majoration du risque de suicide et surtout absence de prise en charge : le tableau de la santé mentale des détenus en France est inquiétant. L’ONG Human Rights Watch a publié début avril un rapport alarmant.

La dernière étude scientifique sur la thématique, publiée en 2004, avait révélé que 8 prisonniers sur 10 et plus de 7 prisonnières sur dix présentent au moins un trouble psychiatrique. Près d’un quart des hommes affichent des troubles psychotiques, 39 % un syndrome dépressif. 11 % des hommes et 1 % des femmes ont été hospitalisés en psychiatrie au moins une fois avant leur incarcération.

Il apparaît désormais que les personnes présentant des troubles psychiques seraient condamnées à des peines plus sévères du fait d’une dangerosité perçue et non objectivement évaluée. Des faits confirmés par l’ex-ministre de la Justice, Christiane Taubira, ainsi que par un rapport sénatorial. Une psychiatre officiant dans une maison d’arrêt a ainsi indiqué que « l’altération du discernement est vue comme un risque de récidive ». On incarcérerait donc dans l’idée qu’une fois enfermés, les délinquants ou criminels seront pris en charge. Ce qui est loin d’être le cas.

Les femmes doublement discriminées

Sur les 188 prisons françaises, seules 26 disposent de services médico-psychologiques régionaux (SMPR), représentant au total 380 lits. Les autres doivent recourir aux unités de consultation et de soins ambulatoires, au sein desquelles exercent des psychiatres. Un seul de ces SMPR dispose de lits réservés aux femmes. Celles-ci apparaissent alors comme doublement discriminées, en raison de leur pathologie puis de leur sexe. Du fait de leur faible nombre dans les établissements pénitentiaires, et de l’interdiction de croiser les détenus hommes, elles sont davantage restreintes dans leurs déplacements, et ont donc moins accès aux soins.

Les surveillants ne sont pas formés à la santé mentale, et en nombre trop contraint pour pouvoir réellement détecter le besoin de soins. Un directeur d’établissement pénitentiaire souligne même que du fait de leur trouble psychiatrique, « avec certaines personnes, ce n’est pas possible de leur expliquer le sens de la peine. Dans ces cas-là, on est impuissant ».

Pénurie de personnel

L’ONG formule pas moins de 24 recommandations à l’intention des différentes administrations concernées. Une étude indépendante sur l’état de santé mentale des détenus français et le nombre de prisonniers (ventilé par sexe) souffrant de troubles psychiques apparaît indispensable. Une prise en charge au quotidien plus efficace et de meilleures conditions de vie doivent pouvoir être proposées aux détenus présentant des troubles psychiatriques sur la base de leurs besoins et de leurs souhaits. Davantage de prisons devraient être dotées de SMPR, avec plus de lits réservés aux femmes.

En hôpital psychiatrique, il importe de veiller à ce que les détenus soient pris en charge de manière non discriminante, qu’ils ne soient pas systématiquement isolés ou placés sous contention. « La France devrait aussi remédier à la pénurie de professionnels de santé mentale en prison et améliorer leurs conditions de travail », conclut le rapport.

Sandra Mignot

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