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Malgré un accès prioritaire aux pompes, les infirmières libérales, à l'image de l'ensemble des professionnels de santé, sont touchées par les pénuries de carburant. Sur le terrain, quels sont les recours possibles ?
« Je ne vais pas tarder à être affectée par la pénurie et aucune priorité n’est donnée dans mon département, le Loir-et-Cher », alerte Acantha sur Twitter. « Je ne travaillais pas ce week-end, mais là, en début de semaine, je me dis que je ne vais pas aller loin », s’inquiète Emilie, Idel dans le Finistère. Grandes consommatrices de carburant, les Idel scrutent la jauge essence de leur véhicule avec inquiétude en ce début de semaine. Depuis le 19 mai, de nombreux dépôts pétroliers sont bloqués en France suite aux mouvements syndicaux contre la loi travail, entraînant des pénuries de carburant un peu partout sur le territoire. Le Nord et l'Ouest sont les plus touchés ; dans ces régions, bon nombre de professionnels de santé sont concernés.
Pourtant, des dispositions légales donnant un accès prioritaire aux pompes à certains véhicules existent, charge aux préfectures de mettre en place les arrêtés nécessaires. C’est notamment le cas dans les départements du Nord-Pas-de-Calais, de la Picardie et de la Bretagne, bons élèves. Ainsi, dans les quatre départements de la Bretagne, les préfets ont pris des mesures dès le vendredi 20 mai. Dans le Morbihan et l'Ille-et-Vilaine, là où la situation devient critique, plusieurs stations ont été réquisitionnées avec parfois, sur place, des vérifications d’identité par les forces de l'ordre.
Pêle-mêle, les préfectures, à l'image de celle du Finistère, ont publié des décrets relatifs à la limitation des quantités de carburant délivrées (20 litres pour les véhicules légers) ou à l’interdiction de distribuer des carburants dans des récipients portables. Mais surtout ils ont établi des listes de véhicules prioritaires « qui ne sont pas soumis à ces restrictions », dont « la pratique libérale et soins à domicile ». Les arrêtés sont adressés à tous les maires des départements concernées avec lettre de demande de notification aux stations-service de leur territoire.
Pour bénéficier de la « non-opposabilité » de ces restrictions administratives, les utilisateurs prioritaires peuvent justifier de leur qualité soit par la signalétique spécifique du véhicule (ambulances, VSL, etc.), soit par la présentation au pompiste de leur carte professionnelle qui atteste officiellement de leur profession.
Si pour les médecins, infirmiers libéraux et sages-femmes, l’apposition du caducée sur le pare-brise suffit, « pour certains personnels hospitaliers, il est plus difficile de faire valoir leur droit », reconnaît le Dr Pierre Guillaumot, directeur adjoint à la veille et à la sécurité sanitaire de l’Agence régionale de santé (ARS) Bretagne. Ainsi, aux personnels soignants des établissements de santé publics ou privés qui utilisent leur véhicule personnel pour se rendre sur leur lieu de travail, mais aussi pour les véhicules d’analyses médicales, il faut présenter un justificatif professionnel. « Avec un bulletin de salaire, ça marche », affirme Katell, IDE dans un centre hospitalier du Finistère.
Pourtant, la confusion - ou le manque d’information - semble réelle sur le terrain. La principale limite pointée par l’ARS Bretagne est le manque d’interlocuteur dont elle dispose pour toucher l’ensemble des infirmiers libéraux. « Contrairement aux médecins pour qui nous passons par l’Ordre, ils nous est difficile de toucher le corps infirmier dans sa totalité », explique Pierre Guillaumot. En effet, sur les 615 000 infirmières (1) exerçant en France, seules 185 000 sont inscrites à l'Ordre national des infirmiers. De ce fait, l'information peine parfois à circuler…
Depuis la mise en place des arrêtés, le 20 mai, l’ARS Bretagne observe un suivi particulier de l’évolution de la situation. Plusieurs agents, regroupés au sein d'une cellule de veille, répondent aux sollicitations téléphoniques des professionnels de santé. Plus de 150 appels ont été enregistrés en trois jours, dont ceux de quelques infirmières libérales.
En Bretagne, le rôle de l’ARS est avant tout de faire le lien entre les préfectures et les professionnels de santé. « Nous renvoyons aussi sur les sites des médias locaux, dont les cartes interactives sont régulièrement mises à jour, développe l’ARS Bretagne. Les situations d’une pompe à l’autre évoluent très vite. Par exemple, les Côtes-d’Armor, bien loties vendredi sont désormais le département le moins bien approvisionné de Bretagne. »
L’ARS Bretagne fait figurer sur la page d’accueil de son site un communiqué « à l’attention des professionnels de santé : priorité pour la distribution de carburant en Bretagne », reprenant tous les arrêtés préfectoraux. Pour les territoires qui n’auraient pas de dispositif mis en place, il est conseillé de consulter régulièrement les sites Internet des préfectures et des ARS.
Carole Tymen
(1) Selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) au 1er janvier 2014.