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Un nouveau rapport très sévère du contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a été présenté mercredi 24 mai. Il dénonce la recrudescence de ces pratiques, employées par des personnels démunis.
Le recours à la contention et à l'isolement dans les établissements de santé mentale est dans le viseur du CGLPL. Après ses recommandations en urgence émises à la suite d'une visite catastrophique au centre psychothérapeutique de l'Ain, puis son rapport annuel en mars qui rappelait que contention et isolement ne devaient intervenir qu'"en derniers recours", le contrôleur général des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, sonne à nouveau l'alarme, cette fois tout au long des 126 pages d'un rapport thématique spécifique, résultat de huit années de visites, conduites dans 40% des établissements psychiatriques recensés.
Le contrôleur s'interroge sur les raisons du retour de ces pratiques anciennes. "Alors même que leur efficacité thérapeutique n’est pas formellement prouvée, écrit-elle, [elles] connaissent une recrudescence depuis une vingtaine d’années". Et de citer plusieurs facteurs : "réduction des effectifs", "changement dans la formation des professionnels", "évolution de l’approche psycho pathologique" ou encore "présence insuffisante des médecins dans les unités de soin". Le rapport pointe également le développement d'un "impératif sécuritaire", "l'absence de réflexion collective des professionnels" et un "désintérêt institutionnel" pour la question.
Dans le détail, sont passés en revue les abus dans les conditions de mise en œuvre de ces pratiques : un recours à des fins de sanction et non pour gérer une crise, sur des durées supérieures à la règle, sans examen médical préalable ; des mises à l'isolement systématiques des personnes détenues ; des défaillances dans la surveillance ; des atteintes à l'intimité des patients...
De ses rencontres avec les équipes soignantes, le contrôleur retient leur difficulté croissante à prendre en charge la violence des patients. En cause, "l'abandon de la formation spécifique d'infirmier psychiatrique" et "la diminution des effectifs" qui a "pu conduire à des situations de surmenage" et "a nourri le sentiment d'une faiblesse face à la violence". Le CGLPL relate aussi que "les soignants se plaignent d'être abandonnés par les médecins ".
Selon Adeline Hazan, un "cercle vicieux" se met ainsi en place, dans lequel "les équipes insuffisamment formées, insuffisamment soutenues, font pression auprès des médecins pour recourir à des pratiques d'isolement". Elle pointe le manque "de réunions de synthèse autour des situations individuelles complexes, permettant d'élaborer une réponse clairement soignante". Plus globalement, le CGLPL met en cause l'absence de "démarche collective à un niveau pertinent" qui a comme conséquence que "le respect des droits des patients ne prend pas la place qu'il devrait dans la réflexion sur les conditions de mise en œuvre de contraintes physiques".
Dans une série de recommandations, le contrôleur se prononce pour un recensement des mesures au niveau des établissements, via la tenue d'un registre rendu obligatoire dans la dernière loi santé, mais aussi aux plans régional et national. Le CGLPL rappelle également que la décision de contraindre ou isoler "ne peut être prise qu'après un examen médical psychiatrique effectif de la personne", en tenant compte au maximum de l'avis des membres de l'équipe soignante et en informant le patient. Le contrôleur se prononce par ailleurs en faveur de l'organisation d'"un troisième cycle en soins afin de permettre aux soignants infirmiers de développer une expertise clinique reconnue".
Anticipant la sortie de ce rapport, la Conférence des commissions médicales d'établissement des centres hospitaliers spécialisés a édicté, il y a quelques jours, douze principes généraux encadrant les pratiques de l'isolement et la contention. De son côté, la Haute Autorité de santé travaille sur des programmes de prévention ainsi que des fiches mémo sur le sujet, dont les sorties sont prévues avant la fin d'année.
Clarisse Briot