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Au Québec, conditions de travail et pouvoir d’achat sont réputés plus favorables. Mais depuis quelques mois, le recrutement des IDE françaises est difficile.
Pour les infirmières françaises rêvant du Québec, le moment est mal choisi pour faire les valises. Alors que ces dernières années, en raison de la pénurie, les autorités québécoises venaient jusqu'en France pour attirer les soignantes, la conjoncture ne s'y prête plus. Un signe : le Regroupement Santé Québec (RSQ), chargé de recruter les professionnels de santé à l'international notamment pour "combler les besoins de main-d'œuvre", ne s'est pas montré lors du dernier Salon infirmier. Pour cause : alors qu'il a procédé à 400 recrutements à l’international en 2013 et 2014, ce chiffre est tombé à 221 l'année suivante, pour dégringoler à 26 cette année.
"Actuellement, nous ne sommes pas dans un contexte de pénurie, indique la responsable des relations médias du Ministère de la santé québécois. Il y a certes des besoins, mais si les établissements sont en mesure de combler leur poste facilement ils ne nous interpellent pas pour du recrutement à l'étranger." La pénurie se serait donc éloignée. Mais ce n'est pas la seule raison. "Les établissements doivent atteindre les cibles de limitation des effectifs de la Loi sur la gestion et le contrôle des effectifs", ajoute le ministère. Il faut y voir les effets de la politique générale de restrictions budgétaires menée par le gouvernement québécois, à laquelle s'ajoute une réorganisation du réseau de la santé. En clair, les établissements sont priés de se serrer la ceinture.
"Nous regardons de près la situation", commente prudemment l'Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec (OIIQ), qui, depuis 2011, délivre en moyenne 200 permis d'exercer à des infirmières françaises chaque année (248 en 2015). Selon Yolaine Rioux, la directrice du Registraire, les professionnelles venues de l'Hexagone pâtissent de la conjoncture, mais ni plus ni moins que les Québécoises. "Les difficultés d'embauche touchent toutes les infirmières, ce n'est pas pire pour les Françaises, avance-t-elle. Les établissements, qui sont en pleine réorganisation, recrutent beaucoup plus lentement." Un facteur peut néanmoins jouer en la défaveur des tricolores : l'augmentation régulière des cohortes de diplômées québécoises depuis 2005 ; 2015 était une année record au niveau national, avec 30897 entrées dans la profession (1).
Risquée, donc, l'aventure québécoise. "Quand je suis arrivée en 2011, les temps pleins étaient la règle, témoigne Géraldine Baudouin, administratrice du Regroupement des infirmières françaises au Québec (RIFQ). Aujourd'hui, les temps partiels sont fréquents. Et pour celles qui ne sont pas recrutées par le RSQ et qui viennent par leurs propres moyens, elles ne trouvent rien du tout et sont souvent obligées de changer de métier."
Pour le RIFQ, outre la conjoncture défavorable, c'est le stage obligatoire de 75 jours prévu par l'Arrangement de reconnaissance mutuelle (ARM) qui freine les embauches. "Ce stage coûte cher aux employeurs, souligne Géraldine Baudouin. Peu d'hôpitaux peuvent se permettre de le financer. C'est pourquoi nous réclamons sa suppression. Par ailleurs, cela rééquilibrerait l'ARM." Le stage équivalent en France pour les infirmières québécoises a en effet été supprimé en 2014, afin de favoriser leur venue. En attendant, conseille le RIFQ, mieux vaut renoncer au départ ou ne partir que si l'on compte s'installer durablement.
Clarisse Briot
1- Selon une étude de l'Institut canadien d'information sur la santé, datée de mai 2016, 22534 personnes ont quitté la profession cette année-là, ce qui représente un gain net de 8363 infirmières réglementées, faisant suite à une perte nette de 2360 membres en 2014.