Aerys II, père de Daenerys Targaryen, surnommé "le Roi fou"

15/08/2016

LA MÉDECINE DANS GAME OF THRONES - Épisode 3

Les fous passent, la folie reste

La saga littéraire "A Song of Ice and Fire" et la série télé dont elle est adaptée présentent une galerie de personnages atteints de maladie mentale. L'occasion de se pencher sur la psychiatrie à l'époque médiévale, dont George R. R. Martin s'inspire. C’est le troisième épisode de notre série estivale consacrée à la médecine dans Game of Thrones (1).

« Les Targaryens ont toujours dansé trop près de la démence. Votre père ne fut pas le premier. Le roi Jaehaerys m'a dit un jour que démence et grandeur étaient les deux faces d'une même pièce. Chaque fois que naît un nouveau Targaryen, disait-il encore, les dieux lancent la pièce en l'air, et le monde retient son souffle en se demandant sur quel côté elle va bien pouvoir tomber. » (2) C'est en ces termes que Daenerys apprend de Ser Barristan la triste vérité : son père, qu'elle n'a jamais connu, était bel et bien « le roi fou ».

Le début du règne d'Aerys II, dernier des Targaryens à avoir occupé le trône de fer, était pourtant prometteur (3). Mais, ébranlé par une série de deuils périnatals, le monarque devient suspicieux, notamment à l'encontre de sa propre épouse (et sœur). Craignant pour la vie de son second fils, Viserys, il le fait garder jour et nuit. Le « Défi de Sombreval », épisode au cours duquel il est emprisonné -et probablement maltraité- par un lord frondeur, exacerbe sa paranoïa.

Dès lors, le souverain vit reclus dans son palais. Fuyant les lames, il refuse qu'on lui coupe les cheveux, la barbe et les ongles. Par peur du poison, il mange peu et devient décharné. À quarante ans, il a l'apparence d'un vieux dément (ci-dessus, Aerys représenté par Arthur Bozonnet). Fasciné par le feu grégeois, il savoure les exécutions des prétendus traitres qui l'entourent et en vient même à se méfier de son fils et héritier, Rhaegar. Ironie du sort : cette folie meurtrière finit par engendrer une vaste rébellion et par entraîner sa perte des mains de son propre garde, Jaime Lannister.

Charles VI et Henri VI : deux « rois fous »

Aerys est inspiré de figures historiques, notamment Charles VI, roi de France. En 1392, à la tête d'une expédition, le monarque, se croyant trahi, est pris d'un accès de folie furieuse et tue quatre de ses chevaliers (épisode représenté ci-contre par Enguerrand de Monstrelet). On croit le roi empoisonné ou ensorcelé. Ses crises (schizophrénie? psychose maniaco-dépressive ?), intermittentes, minent le royaume jusqu'à sa mort en 1422 (4). Le même mal semble également toucher son petit-fils, Henri VI, roi d'Angleterre. Comme Aerys, le souverain sombre dans la folie lors de son enfermement à la Tour de Londres lors de la Guerre des deux roses (1455-1485), principale source d'inspiration de la saga de George R. R. Martin.

S'il en est le plus bel exemple, Aerys n'est pas le seul malade mental de GOT. Comme le souligne Cersei, infirmière et membre éminente du forum La Garde de nuit, les romans mettent en scène « un joli paquet de sociopathes/psychopathes » : Ramsay Bolton, Joffrey Lannister, Gregor Clegane. Quant à Sandor Clegane (« Le limier »), il présente « une phobie du feu post-traumatique ».

La théorie des humeurs

Autre cas intéressant selon l'IDE, celui de Rhaegar, fils aîné d'Aerys tué pendant la Rébellion. Aux dires de Ser Barristan, le prince héritier était affecté d'une « espèce de mélancolie », d'« un sens de la catastrophe ». « Un bilieux, à vous entendre ! », s'insurge sa sœur, Daenerys (2). Une remarque qui fait sens dans cet univers médiéval.

Au Moyen Âge en effet, suivant la théorie des humeurs (bile, sang, flegme, atrabile) héritée de la médecine antique, la mélancolie était attribuée à un excès de bile noire, expose l'historienne Muriel Laharie, qui a étudié l'approche de la maladie mentale aux XI-XIIIe siècles (5). À cette époque, « une conception naturelle de la folie se développe dans la littérature médicale, sans exclure pour autant les interventions surnaturelles », qui faisaient du malade mental la proie du démon. Les troubles sont classés par grandes catégories :

- la frénésie recouvre « les troubles mentaux où le délire est important »

- la léthargie peut faire référence à une stupeur catatonique, confusionnelle ou mélancolique

- la manie « englobe non seulement les états que nous qualifions encore aujourd'hui de maniaques, mais l'ensemble des états délirants, démentiels ou confusionnels »

- la mélancolie, caractérisée par le « couple crainte-tristesse », est parfois associée à des manifestations maniaques, préfigurant l'actuelle psychose maniaco-dépressive

Des onguents à la chirurgie

Le malade mental est le plus souvent soigné à domicile, même si l'hospitalisation se développe (Hôtel Dieu de Paris, Hôpital du St-Esprit de Montpellier). Le fou furieux est attaché et placé dans un lieu sombre et tranquille afin qu'il s'apaise. On lui rase la tête, « pour l'empêcher de s'arracher les cheveux et pour lui appliquer des onguents ». Suivant le mal, les décoctions, onguents ou emplâtres auront un caractère sédatif ou narcotique (opium et/ou mandragore, jusquiame), antispasmodiques ou psychotoniques. Afin d'évacuer les humeurs, des émétiques (telle l'ellebore blanc) et des purgatifs sont utilisés. Les saignées sont couramment pratiquées. L'immersion dans des bains chauds, tièdes ou froids réconforte ou réveille les léthargiques et mélancoliques. La chirurgie n'est employée qu'en dernier recours. Allant du simple cautère à la trépanation, elle vise à extraire le mal de sa racine : le crâne. Quelques décennies plus tard, la « mode » de « l'extraction des pierres de folie » sera immortalisée par les peintres, comme Pieter Brugel (ci-dessous).



Aveline Marques


Prochain épisode le lundi 22 août, consacré aux traitements et remèdes


1- Nous désignerons la saga littéraire et la série télévisée sous l’appellation commune « GOT », sauf lorsqu’il nous paraît important de distinguer les deux.
2- A Feast for crows, 3e volume de la saga.
3- Game of Thrones, les origines de la saga, Elio M. García, Linda Antonsson et George R. R. Martin, 2014.
4- "Entretien avec Françoise Autrand et Bernard Guenée, à propos de la folie du roi Charles VI",
Cédric Quertier et David Sassu-Normand, Tracés, juin 2004.
5- "Comprendre et soigner la maladie mentale au Moyen Âge (XIe-XIIIe siècle)", Muriel Laharie, Histoire des sciences médicales, Tome XXVII, n°2, 1993.

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