Le prince de Dorne, Doran Martell, prend soin de cacher ses membres déformés par la goutte.
© Raymond Bonilla
LA MÉDECINE DANS GAME OF THRONES - Épisode 2
Soucieux du réalisme de ses romans, George R. R. Martin a émaillé la saga de nombreux symptômes et affections, que les fans se plaisent à décrypter. C’est le deuxième épisode de notre série estivale sur la médecine dans l'univers fantastique de Game of Thrones et dans le monde médiéval, dont il est inspiré.
« La maladie, j’en ai vu bien plus de variantes que je n’ai cure de me souvenir, monseigneur, mais je vais vous dire une chose : chaque cas diffère, tous sont similaires. » Dans A Game of Thrones (AGOT), premier volume de la saga A Song of Ice and Fire, le grand mestre Pycelle, le médecin du roi Robert Baratheon, suggère la limite des capacités diagnostiques de la période médiévale dans laquelle le récit est campé. Même si les romans empruntent à différentes époques.
L’auteur a pris soin d’émailler son récit de nombreux symptômes et affections réalistes. Répétant sempiternellement les deux syllabes de son surnom, Hodor (ci-contre dans la série Game of Thrones), le palefrenier qui s'occupe de Bran Stark, pourrait être atteint d’une aphasie de Broca. La varicelle serait détectée à Dorne. Hoster Tully, le seigneur de Vivesaigues, se meurt en ressentant les « crabes » qui rongent son ventre, évocation du cancer (1).
Plus détaillé, le nanisme de Tyrion Lannister ne serait autre que la manifestation d’une achondroplasie, affection constitutionnelle de l’os, comme le suggère Oblivion, un membre du forum de La Garde de nuit. «J’ai des jambes courtes et torses, je marche avec difficulté, explique le personnage lui-même dans le tome 1 de la saga. (…) Mes bras ne manquent pas de force mais, une fois encore, de longueur. » La description du personnage et de son front bombé confirment encore le rapprochement, ainsi que l’aspect « en trident » de ses mains (la présence d’un espace entre le médius et l’annulaire), dont il rit lui-même. Une atteinte génétique qui n’a pas trouvé de réel traitement à ce jour, malgré les possibilités d’allongement mécanique des membres inférieurs et le recours à l’hormone de croissance.
Doran Martell, le prince de Dorne, souffre quant à lui de goutte, ce rhumatisme inflammatoire qui atteint les articulations lorsque le taux d’acide urique dans le sang est trop élevé (hyperuricémie). « L’affection est favorisée par une alimentation riche en purines, qu'on retrouve notamment dans les viandes et la bière, précise “Blaireaus”, étudiant en médecine qui a lancé le sujet sur le forum de La Garde de nuit. Elle était très fréquente chez les riches au Moyen Âge avec leurs banquets interminables riches en viande. » Appelée autrefois « maladie des rois », elle n’a pas disparu et concerne 1 à 2 % de la population dans les pays développés, notamment les hommes. La goutte se traite désormais, ce qui permet d’éviter l’évolution vers une atteinte chronique, la dégradation des tendons, voire l’insuffisance rénale.
L’un des personnages est même concerné par une parasitose. Yezzan Zo Qaggaz, dit “la baleine jaune”, marchand d’esclaves de la ville de Yunkaï, présente tous les signes d’une amibiase hépatique : maladie contractée dans un zone tropicale (ici, Sothoryos), ictère (coloriation jaune de la peau), troubles digestifs… Si les parasitoses persistent de nos jours, à l’époque médiévale elles étaient omniprésentes. Les conditions d’hygiène (dans toutes les couches de la société) et la promiscuité favorisaient notamment la circulation des poux et puces, mais également celles des vers intestinaux -via les mauvaises conditions de conservation de l’alimentation- et autres parasites présents dans l’eau, les matières fécales, etc (2).
Enfin, le jeune lord du Val, Robert Arryn (ci-dessous dans la série), enfant capricieux, tyrannique et couvé par sa mère, est atteint dans la saga littéraire d’un « mal trembleur » qui fait penser à l’épilepsie. Des descriptions de cette pathologie remontent à 2000 ans avant JC. La maladie fut longtemps associée à une origine surnaturelle et donc traitée davantage sur le plan spirituel que somatique, jusqu’à ce que la conception d’un dérèglement cérébral, avancée dans l'Antiquité par Hippocrate, finisse par se généraliser en Occident au tournant du XVIIIe siècle (3).
Sur le forum en ligne, Cersei, infirmière dans la vie, suggère quant à elle : « Son épilepsie peut être une conséquence d'une naissance prématurée, d'une hypoxie fœtale ou du nouveau-né ayant entraîné une souffrance cérébrale. » L’enfant est en effet décrit comme chétif, ce qui pourrait aussi correspondre à un retard de croissance. « Quand elle est récurrente et multiple, l’épilepsie freine considérablement le développement staturo-pondéral mais aussi intellectuel, ce qui est le cas ici pour Robert Arryn », ajoute Blaireaus.
Pour tenter de prévenir les crises, on lui administre du « sirop de lait » additionné de « bonsomme » (4). Le mestre souligne que ce somnifère, dont l’action se rapproche de celle des barbituriques mais dont la composition n’est pas détaillée, ne s’élimine que très lentement de l’organisme et doit être utilisé à intervalles espacés de plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Des connaissances thérapeutiques précises que nous développerons dans un prochain article.
Sandra Mignot
1- AGOT.
2- Voir le blog de Bertrand-Yves Mafart, médecin et paléopathologiste.
3- Épilepsie : historique, Organisation mondiale de la santé, Aide-mémoire n°128.
4- A Feast for Crows, 3e volume de la saga.