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UNION EUROPÉENNE
Un projet d'ordonnance vise à permettre aux soignantes membres d'un autre état de l'Union européenne à n'exercer que certaines activités infirmières en France... si elles ne sont pas suffisamment qualifiées. Deux syndicats infirmiers montent au créneau.
« Nous refusons que des auxiliaires de vie des pays de l'Est puissent faire un exercice partiel de la profession infirmière en France », lance le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI CFE-CGC) sur son site, en réaction au projet d'ordonnance présenté par le ministère de la Santé au Haut Conseil des professions paramédicales, le 22 septembre.
Le texte vise à transposer la directive 2013/55/UE, qui « induit des modifications profondes du code de la santé publique pour toutes les professions de santé », expose le ministère dans sa présentation. La directive vise en effet à « assouplir les règles de reconnaissance des qualifications existantes pour favoriser la circulation des professionnels » -l'un des principes de base de l'Union européenne- « avec notamment l'élargissement de la notion d'expérience professionnelle ».
Pour cela, la directive européenne introduit de nouveaux dispositifs : création d'une carte professionnelle européenne, un certificat électronique obtenu à l'issue des procédures de demande d'exercice ; mise en place d'un mécanisme d'alerte imposant aux États « de communiquer à l'ensemble des autres États membres l'identité des professionnels dont l'exercice a été restreint ou interdit » ; enfin, « l'accès partiel », qui rend possible, sous conditions (1), « l'exercice d'une partie seulement des activités relevant d'une profession réglementée ».
Ce dernier dispositif vise les soignants européens qui souhaitent exercer une profession de santé en France mais dont les qualifications ne sont pas à la hauteur des exigences françaises, du fait des différences de réglementation entre les deux pays. Des différences telles que « les mesures de compensation » traditionnellement proposées pour s'assurer que le demandeur est tout de même apte à exercer (stage d'adaptation, épreuves d'aptitude, compléments de formation) seraient insuffisantes... et qu'il faudrait purement et simplement imposer au candidat de suivre la formation en Ifsi.
Les demandes, examinées au cas par cas, pourront être refusées « pour des raisons impérieuses d’intérêt général». Pas de quoi rassurer les syndicats infirmiers. Le SNPI dénonce une « ubérisation qui ne peut qu'attirer tous ceux qui favorisent déjà les glissements de tâches dans leurs établissements afin de réaliser des soins low cost ». «Nous refusons de voir arriver des métiers intermédiaires entre aide-soignant et infirmière, type auxiliaire en plaie et cicatrisation ou assistant de soins en diabétologie, qui ne reposeraient sur aucune formation française ».
« Une déqualification rampante de la profession d'infirmier anesthésiste est en marche si cette ordonnance voit le jour sous cette forme », estime quant à lui le Syndicat national des infirmiers anesthésistes. Craignant de voir des techniciens en anesthésie exercer tout ou partie des activités Iade, le syndicat dénonce « un contournement de l'exclusivité d'exercice Iade, qui garantit la sécurité optimale des patients pris en charge en anesthésie ».
Les deux syndicats comptent bien faire amender le texte, dont l'examen au HCPP a été repoussé au 27 octobre.
Aveline Marques
1- Avoir un titre professionnel légalement reconnu pour l’exercice de la profession dans son pays d'origine ou bien justifier d'un temps d’exercice donné.