21/10/2016

Alerte à la dénutrition des malades

Un collectif multi-disciplinaire s'est formé mercredi 19 octobre afin de mobiliser la société sur la nécessité de prendre en charge ce syndrome, qui toucherait deux millions de personnes âgées et hospitalisées en France.

Maigrir, c'est mourir. C'est le cri d'alarme lancé par les membres du nouveau Collectif de lutte contre la dénutrition, fondé le 19 octobre. Faute de moyens, « ce sont quelques deux millions d'enfants, d'adolescents, d'adultes atteints de maladies chroniques et de personnes âgées, à l'hôpital comme à domicile, qu'on laisse dépérir en détournant le regard », lance le Pr Éric Fontaine sur le site du collectif, dont il est le fondateur.

La dénutrition se définit par un indice de masse corporelle au-dessous des courbes minimales des carnets de santé et une perte de poids involontaire de plus de 5% en un mois ou de plus de 10% en six mois. Les conséquences sont lourdes : arrêt de croissance chez les enfants, augmentation du risque d'infections, de fractures, des troubles psychologiques, perte d'autonomie, perturbation de l'équilibre, dégradation du tube digestif, du système respiratoire, de la santé bucco-dentaire, de la qualité de vie et, à l'extrême, le décès.

Des professionnels de santé fatalistes

Ce syndrome touche particulièrement les personnes âgées -6 à 10% des plus de 70 ans-, les enfants -un enfant hospitalisé sur 10- et les malades : 40% des malades du cancer et 20 à 40% des personnes hospitalisées sont dénutris. « Malgré les progrès considérables de la médecine, le pourcentage de malades dénutris n'a pas baissé depuis les années 1960 », expose Éric Fontaine, par ailleurs président de la Société francophone nutrition clinique et métabolisme.

Ce médecin, responsable de l'unité de nutrition artificielle du CHU de Grenoble, pointe le manque de moyens humains à l'hôpital pour prévenir et diagnostiquer précocement la dénutrition, ainsi que le manque de vigilance des professionnels de santé, qui « considèrent souvent la dénutrition comme un cofacteur (si on guérit de la maladie, on guérit de la dénutrition) ou comme une fatalité ». « Normalement, à l'hôpital, la réglementation nous oblige à peser les malades toutes les semaines mais en pratique, ce n'est quasiment jamais fait alors que cette étape ne coûte rien», déplore le nutritionniste. En ville, « sauf exception, le dépistage n'est pas fait ». Pourtant, la dénutrition ralentit la guérison et « joue souvent un rôle majeur dans la diminution des défenses et dans le fonctionnement des organes vitaux », souligne Éric Fontaine.

Le combat contre la douleur, un exemple

Après avoir tenté, sans succès, de sensibiliser les professionnels, Éric Fontaine tente d'interpeller la société « pour contraindre les politiques et l'administration à regarder et traiter le sujet comme ils ont été obligés de le faire suite aux mobilisations citoyennes sur le traitement de la douleur, la prise en charge des patients séropositifs ou celle pour limiter les infections nosocomiales ». Au sein du collectif, le spécialiste est entouré d'associations de patients, de médecins, de diététiciens, de chirurgiens-dentistes, de kinésithérapeutes, d'ergothérapeutes, de pharmaciens, d'anthropologues, de sociologues, de philosophes, d'économistes, de gestionnaires et usagers des maisons de retraite... mais pas d'infirmières, ni d'aides-soignantes.

Le collectif appelle à signer un manifeste et formule dix propositions, parmi lesquelles : peser 100% des patients dénutris de l'hôpital jusqu'au domicile, imposer la présence d’un médecin nutritionniste et de 10 diététiciens pour 600 lits d’hôpital ou encore nourrir correctement les personnes malades. Pas si simple... D'après Éric Fontaine, l'hôpital dépense actuellement en moyenne 3,53 euros par jour pour nourrir les patients et l'apport journalier des menus servis culmine à 1700 calories.

Aveline Marques



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