L'Ordre national des infirmiers fait campagne contre le projet d'ordonnance introduisant un exercice partiel (DR).
Directive européenne
Hier, les membres du Haut Conseil des professions paramédicales ont voté à l'unanimité contre le projet d'ordonnance introduisant un accès « partiel » aux professions de santé réglementées. Pour l'Ordre infirmier, le texte ne devrait en aucun cas s'appliquer à la profession infirmière.
Y aura-t-il bientôt des demi-infirmières en France ? C'est en tout cas ce que permet le projet d'ordonnance soumis hier par le ministère de la Santé à l'avis consultatif du Haut Conseil des professions paramédicales. Le texte transpose une directive européenne visant à faciliter la circulation des professionnels au sein de l'Union européenne. Il introduit un dispositif d' « accès partiel » aux professions de santé pour les soignants européens qui n'ont pas les qualifications requises pour exercer en France. « Une professionnelle qui serait dénommée infirmière dans son pays pourrait venir exercer en France comme infirmière alors même qu'elle n'aurait pas été formée et n'aurait donc aucune compétence pour réaliser certains des actes infirmiers reconnus en France dans le cadre réglementaire de compétences », résume l'Ordre national des infirmiers (ONI) dans un communiqué de presse daté du 25 octobre.
Le projet d'ordonnance a suscité l'opposition des organisations membres du HCPP. Après avoir obtenu un report de son examen fin septembre, le HCPP a voté contre le texte à une quasi-unanimité (23 contre, une abstention) au terme de deux heures de « questions à charge » et de « non-réponses » du ministère, rapporte Olivier Drigny, vice-président de l'ONI.
" Pour tous les représentants, l'ordonnance va désorganiser le système de santé français et introduire des soins low cost. Là où il manquera des infirmières ou des kinés, on aura recours à des professionnels en exercice partiel. Il y aura deux niveaux de qualités de prise en charge », explique Olivier Drigny. Bien que l'ordonnance imposera aux soignants européens d'informer les patients des actes qu'ils sont habilités à pratiquer, pour l'ONI cela rendra l'offre de soins opaque et incompréhensible. « Comment faire la différence entre une infirmière en exercice partiel et une infirmière en exercice total dans une équipe qui tourne en trois huit, avec le turn-over que l'on connaît ? », relève le vice-président, qui craint les glissements de tâches. Les syndicats membres du HCPP ont également souligné le risque de dumping social induit par l'arrivée de moins qualifiés, donc moins payés.
(Campagne de communication de l'ONI)
Pour l'ONI, l'exercice partiel ne devrait en aucun cas s'appliquer à la profession infirmière, « l'une des rares à bénéficier de la reconnaissance automatique ». À la demande de la Commission européenne, les états membres se sont en effet efforcés ces dernières années d'harmoniser la formation en soins infirmiers au sein de l'Union européenne. Pour se conformer au socle commun qui a été défini, la Belgique a récemment allongé d'un an la formation infirmière. « Le ministère a reconnu qu'aucun des 14 pays de l'UE qui avait déjà transposé la directive n'avait pas inclus les infirmières », souligne Olivier Drigny. Pour ce dernier, si une soignante n'a pas les qualifications requises pour exercer en tant qu'infirmière, elle peut exercer en tant qu'aide-soignante. « Et si elle a un niveau intermédiaire, il peut y avoir un complément de formation. »
Le ministère a précisé que d'autres textes réglementaires viendrait encadrer le dispositif et a rappelé que les autorisations d'exercice seront données au cas par cas. À charge pour les ordres professionnels de tenir un tableau particulier, mentionnant les actes que le soignant sera habilité à pratiquer. « Il y aura autant de profils que d'inscrits», prédit le vice-président de l'ONI. Et de nombreuses inégalités en perspective.
Aveline Marques